26 OCTOBRE 2022. - Arrêté royal portant la création d'un mécanisme de garantie de l'Etat pour certains crédits contractés par les fournisseurs et intermédiaires de gaz naturel et d'électricité suite à la crise énergétique

RAPPORT AU ROI

Sire,

L'arrêté royal que j'ai l'honneur de soumettre à la signature de Votre Majesté a pour objet la création d'un mécanisme de garantie de l'Etat pour certains crédits contractés par les fournisseurs et intermédiaires de gaz naturel et d'électricité suite à la crise énergétique.

L'agression militaire russe contre l'Ukraine, les sanctions imposées et les contre-mesures ont des conséquences économiques graves pour l'ensemble du marché intérieur européen. L'agression militaire russe contre l'Ukraine a entraîné une baisse sensible et une perturbation importante des approvisionnements en gaz et a fait grimper les prix du gaz à des niveaux encore plus haut que ceux déjà élevés observés dans la période précédant l'agression. En raison du prix élévé du gaz, qui est utilisé dans certaines installations de production d'électricité, le prix de l'électricité a également augmenté substantiellement.

Plusieurs fournisseurs et intermédiaires actifs sur le marché belge de l'énergie sont confrontés à d'énormes problèmes de liquidité en raison de ces circonstances. Tant l'explosion des prix du marché, que l'effet saisonnier par lequel plus de gaz naturel est consommé en période hivernale et la volatilité et l'imprévisibilité des prix conduisent à une énorme augmentation des besoins de liquidités au niveau de leurs activités d'achat.

Le prix du gaz naturel pour livraison l'année suivante a généralement fluctué autour de 20 €/MWh au cours des 10 dernières années et a récemment atteint des niveaux autour de 300 €/MWh. Le prix de l'électricité pour livraison l'année suivante a généralement fluctué autour de 50 €/MWh au cours des 10 dernières années et a récemment augmenté à des niveaux autour de 600 €/MWh.

Pour le marché résidentiel en particulier, la majorité de la consommation de gaz naturel a lieu pendant la période hivernale alors que la facturation est répartie de manière égale sur l'ensemble de l'année, ce qui augmente encore les besoins en liquidités des fournisseurs pendant la période hivernale.

Le marché de l'énergie (tant les contrats "de gré à gré" que les bourses) prévoit des mécanismes dits "d'appel de marge" pour les risques de prix et d'approvisionnement par lesquels les participants au marché se couvrent mutuellement par des garanties ; en raison des prix extrêmement élevés et de leur volatilité et imprévisibilité, ces garanties ont également explosé ; par conséquent les participants au marché risquent de ne pas disposer de liquidités suffisantes pour conclure de nouvelles transactions ou même pour maintenir les accords existants.

Plusieurs parties contractantes des fournisseurs et des intermédiaires sont moins enclins à conclure de nouvelles transactions, réduisent leurs propres lignes de crédit vis-à-vis de ces fournisseurs et des intermédiaires, et exigent des garanties plus élevées ou même des paiements anticipés afin de minimiser autant que possible leur exposition aux conditions actuelles du marché.

Ces problèmes de trésorerie limitent fortement les possibilités de négociation des fournisseurs et des intermédiaires actifs sur le marché belge, ce qui en soi entraîne une moindre liquidité sur le marché de l'énergie et donc une augmentation des prix pour les consommateurs.

En ce qui concerne également les activités d'approvisionnement strict des fournisseurs, les besoins en liquidités augmentent en raison (du préfinancement) des prix plus élevés du marché qui ne sont pas toujours pris en compte dans les avances payées par les clients et du fait que davantage de clients connaissent des difficultés de paiement ou demandent des plans de remboursement en raison des conditions actuelles du marché.

En raison de ces circonstances, les fournisseurs et les intermédiaires actifs sur le marché belge risquent d'être confrontés à des problèmes de liquidités qu'ils ne connaîtraient pas dans des circonstances normales.

Toute défaillance d'un fournisseur ou d'un intermédiaire due à des problèmes de liquidité pourrait avoir des effets en cascade sur le marché au sens large et sur la sécurité d'approvisionnement, étant donné que, dans les circonstances actuelles, ni les autres fournisseurs commerciaux ni un fournisseur de secours ne pourraient absorber d'importants portefeuilles de clients, puisqu'ils devraient eux aussi chercher des alternatives d'approvisionnement pour ces clients dans le contexte actuel de prix élevés et volatils.

La faillite éventuelle d'un fournisseur ou d'un intermédiaire peut également entraîner de graves conséquences financières pour les clients résidentiels et non résidentiels concernés, car les clients de ce fournisseur ou cet intermédiaire courent le risque réel de devoir payer des prix plus élevés auprès d'un nouveau fournisseur, d'un intermédiaire ou d'un fournisseur de secours, ces derniers devant également s'approvisionner aux prix élevés et volatils actuels.

En cas d'une éventuelle faillite d'un fournisseur ou d'un intermédiaire actif sur le marché belge les volumes contractés par celui-ci seront remis sur le marché de l'énergie. Par conséquent, il n'est pas certain que ces volumes soient à nouveau utilisés pour l'approvisionnement des clients en Belgique, ce qui menace la sécurité d'approvisionnement.

Une telle faillite aurait un impact négatif non seulement pour les clients concernés (prix de l'énergie plus élevés), mais aussi pour l'économie (risque de pénurie d'approvisionnement).

Intervenir dans cette situation de crise pour éviter les faillites des fournisseurs et des intermédiaires est donc nécessaire pour la stabilité du marché de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement.

La communication de la Commission européenne sur l'encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine (2022/C 131 I/01), comme modifié par la communication de la Commission (2022/C 280/01) prévoit la possibilité d'assurer l'accès aux liquidités pour les entreprises touchées par la crise actuelle grâce à des garanties de l'Etat sur les prêts.

L'octroi de garanties de l'Etat est une mesure de sauvegarde au sens de l'article 23 de la loi gaz et l'article 32 de la loi électricité afin d'aider les fournisseurs et intermédiaires, actifs sur le marché belge, dans les difficultés qu'ils encontrent à cause de la crise énergétique.

Des mesures appropriées d'atténuation des risques sont prises à l'égard de l'Etat belge. La garantie de l'Etat sert à maintenir les lignes de crédit ouvertes pour les fournisseurs et les intermédiaires actifs sur le marché belge et elle est spécifiquement destinée à faire face à leurs problèmes de liquidité créés par la crise énergétique. Les prêts garantis ou les prélèvements sur une facilité de crédit peuvent avoir une durée maximale de deux ans.

Une notification de la mesure de protection aux autres Etats membres de l'Union européenne et à la Commission européenne aura lieu conformément à l'article 23 de la loi gaz et l'article 32 de la loi électricité.

En limitant la durée pendant laquelle une garantie de l'Etat peut être accordée, en prévoyant les conditions qu'un emprunteur doit remplir pour pouvoir bénéficier d'une garantie de l'Etat et en conformant la mesure au cadre temporaire de crise, la mesure provoque le moins de perturbations possibles dans le fonctionnement du marché intérieur européen et n'excède pas la portée strictement indispensable pour remédier aux difficultés soudaines qui se sont manifestées.

En ce qui concerne la compétence de l'autorité fédérale pour prendre cette mesure, il est à noter ce qui suit :

  1. Introduction

    Le régime en projet vise à résoudre le problème de liquidités auquel sont confrontés les fournisseurs d'électricité et de gaz, ainsi que les intermédiaires qui achètent du gaz naturel ou de l'électricité en vue de les revendre aux fournisseurs précités en raison des conditions du marché et géopolitiques actuelles.

    Ce problème de liquidités se pose principalement au niveau des marchés de gros : les prix extrêmement élevés, dus sur les marchés de gros et les mécanismes dits « d'appels de marge » (« margin calls »), qui sont instaurés en compensation au niveau des fournisseurs et des intermédiaires, sont à la base de cette problématique. En effet, pour atténuer les risques liés aux prix et à l'approvisionnement, les acteurs du marché exigent de plus en plus que leurs contrats soient couverts par des garanties financières. Comme la valeur des contrats augmente de manière significative (cf. la hausse des prix du marché), la valeur de ces garanties financières explose également.

    A titre d'illustration, les marges initiales (lesdites garanties ou sûretés) ont été environ multipliées par six au cours de l'année écoulée. Les prix du gaz néerlandais TTF sont passés de 25 EUR/MWh (2 juillet 2021) à 150 EUR (10 octobre 2022) et ont même dépassé les 300 EUR en mars et en août 2022. Un acteur de marché qui devait couvrir d'importants volumes par le biais des bourses à l'été 2021 et était redevable d'une marge initiale de 1 milliard EUR, a vu ses marges initiales augmenter jusqu'à 4 milliards EUR en octobre 2021 et jusqu'à 6 milliards EUR en mars 2022 - soit une multiplication par six sans aucune modification de la position couverte.

    Ce risque de liquidité est amplifié sur le marché belge, car une part significative des clients finaux peut actuellement bénéficier dudit tarif social. En raison de l'explosion des prix du marché, la différence entre le tarif social et le prix commercial a fortement augmenté. En outre, une hausse des défauts de paiement des clients finaux est constatée. Ces aspects accentuent les problèmes de liquidités des fournisseurs ou des intermédiaires, mais n'en sont pas la cause principale.

    Le régime de garantie en projet doit dès lors être considéré à la lumière de cette situation particulière sur les marchés de l'énergie. Ce régime, qui crée la possibilité d'octroyer sous certaines conditions une garantie de l'Etat aux...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT