23 AVRIL 2018. - Arrêté royal modifiant l'Arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters portant exécution de certaines dispositions de la section 1erbis « de la gestion des informations » du chapitre IV de la loi sur la fonction de police et modifiant la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters vers la banque de données commune Terrorist Fighters

RAPPORT AU ROI

Sire,

Le projet d'Arrêté royal modifiant l'Arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters portant exécution de certaines dispositions de la section 1erbis « de la gestion des informations » du chapitre IV de la loi sur la fonction de police et modifiant la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters vers la banque de données commune Terrorist Fighters que nous avons l'honneur de soumettre à la signature de Votre Majesté a pour objet de modifier la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters en banque de données commune Terrorist Fighters et de préciser les conditions afférentes à la gestion de cette banque de données commune, en y incluant, en sus des Foreign Terrorist Fighters (F.T.F.), une nouvelle catégorie particulière, à savoir les Homegrown Terrorist Fighters (ci-après les H.T.F.).

  1. Commentaire général.

    L'objectif du présent projet d'Arrêté royal est de développer certains aspects de la banque de données commune F.T.F. (telle que mise en oeuvre par l'Arrêté royal du 21 juillet 2016 relatif à la banque de données commune Foreign Terrorist Fighters) en y incluant en sus les personnes physiques qualifiées de Homegrown Terrorist Fighters. La banque de données commune sera donc modifiée en banque de données commune « Terrorist Fighters » (T.F.) et inclura les catégories de « Foreign Terrorist Fighters » et de « Homegrown Terrorist Fighters.

    L'intitulé de l'Arrêté royal du 21 juillet 2016 est donc remplacé par « Arrêté royal relatif à la banque de données commune Terrorist Fighters ».

    En effet, la loi du 27 avril 2016 relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme a instauré, au sein de la section 1erbis « De la gestion des informations » du chapitre IV de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la possibilité pour le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice de créer des banques de données communes aux fins de la prévention et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme pouvant mener au terrorisme.

    Ces banques de données communes permettent à différents services ayant des compétences différentes de partager leurs données et informations afin d'être plus efficaces dans le cadre de la lutte et le suivi du terrorisme et de l'extrémisme pouvant mener au terrorisme.

    L'objectif est de partager des connaissances afin de protéger nos citoyens de la violence aveugle de certaines personnes ou groupements et d'essayer d'anticiper et de contrer ces actions violentes.

    Dans cette banque de données commune T.F. sont reprises des fiches de renseignements sur les combattants qui se rendent dans des zones de conflit djihadistes (F.T.F.) mais également portant sur des Homegrown Terrorist Fighters (H.T.F.) qui sont susceptibles de commettre des actes terroristes. Ces fiches permettent entre autres :

    - d'évaluer la menace potentielle que représentent ces personnes et

    - d'assurer un suivi afin d'anticiper et d'empêcher de possibles actes terroristes de leur part.

    Le suivi des H.T.F. au sein d'une banque de données commune dans laquelle ils seraient inclus est urgent et nécessaire. Les récents évènements dramatiques de Nice ou même de Berlin ou Londres en sont l'illustration.

    L'attentat de Nice, le 14 juillet 2016, a fait 86 victimes et des centaines de blessés et a été revendiqué par l'Etat islamique. L'auteur, un Tunisien résidant en France, semble s'être radicalisé très rapidement avant l'attentat. Dans le cas d'espèce, l'utilité d'enregistrer ce type d'individu comme H.T.F. et d'assurer son suivi dans la banque de données commune T.F. est évident.

    Dans le cas du double attentat à la voiture bélier et à l'arme blanche de Westminster à Londres, le 22 mars 2017, qui a fait 5 victimes et plus de 50 blessés, l'auteur, un Britannique, se serait radicalisé lors d'un séjour en prison et lors de voyages en Arabie Saoudite. Il avait été par ailleurs inculpé, avant le 22 mars, à plusieurs reprises pour de graves agressions, possession d'armes et troubles à l'ordre public. L'on voit ici encore l'intérêt de pouvoir suivre ce type d'individu en tant que H.T.F. dès lors que les critères sont réunis afin de le valider en tant que tel dans la banque de données commune T.F..

    Lors de l'attentat à la voiture bélier de Berlin le 19 décembre 2016, qui a fait 12 victimes et plus de 50 blessés, il s'agissait là aussi d'un Tunisien, demandeur d'asile débouté en Allemagne, et membre d'un réseau salafiste djihadiste et référencé comme élément dangereux pour la sécurité de l'Etat par les services allemands.

    Afin de répondre aux remarques de la Commission de la protection de la vie privée émises dans son avis n° 04/2018 du 17 janvier 2018, et relatives à l' appréciation selon laquelle le présent projet d'arrêté royal vise toutes les formes de terrorisme et d'extrémisme pouvant mener au terrorisme - et donc pas seulement le djihadisme, il y a lieu de citer les exemples suivants démontrant qu'effectivement l'élargissement à toutes les formes de terrorisme et extrémisme pouvant mener au terrorisme est justifié. En effet, ne fut-ce que durant les années 2017 et 2018, l'extrême droite a planifié et/ou commis une dizaine d'attentats en Europe. Certains ont pu être déjoués à temps par les services de renseignement et de sécurité.

    ° A Göteborg, en Suède, un réfugié a été gravement blessé en janvier 2017 après un attentat à la bombe commis par l'extrême droite visant un centre d'accueil pour demandeurs d'asile;

    ° En juin 2017 à Londres, un Gallois d'extrême droite a projeté sa camionnette sur des fidèles aux alentours de la mosquée de Finsbury Park après le ramadan. Une personne est décédée et plusieurs ont été blessées;

    ° En juin 2017 à nouveau, un attentat d'extrême droite visant le président français Macron a pu être déjoué dans le sud de la France;

    ° Enfin, en février 2018, un ancien candidat de la Ligue du Nord en Italie a fait feu sur sept personnes d'origine africaine depuis sa voiture à Macerata en Italie. Plusieurs personnes ont été blessées.

    Le Homegrown Terrorist Fighter est défini comme toute personne physique, ayant un lien avec la Belgique dès lors qu'au moins un des deux critères suivants est rempli : a) il existe des indications sérieuses que cette personne a l'intention de de recourir à la violence à l'encontre de personnes ou d'intérêts matériels, pour des motifs idéologiques ou politiques, dans le but d'atteindre leurs objectifs par la terreur, l'intimidation ou les menaces; b) il existe des indications sérieuses que la personne donne intentionnellement un soutien, notamment logistique, ou financier, ou aux fins de formation ou recrutement, aux personnes visées au a) ou aux personnes enregistrées en tant que F.T.F. et pour lesquelles il existe des indications sérieuses qu'elles ont l'intention de commettre un acte violent.

    En ce qui concerne le premier des critères primaires susmentionnés, les « indications sérieuses » ne peuvent se fonder uniquement sur les motivations personnelles du potentiel H.T.F., mais également et surtout sur des actes matériels préparatoires d'un attentat.

    Une indication sérieuse a trait à une situation qui peut être étayée par des éléments concrets. L'OCAM décide in fine quant à la validation comme T.F..

    Les exemples suivants permettent de l'illustrer ce premier critère. Sera repris par exemple comme H.T.F. un partisan de l'Etat islamique qui, depuis une prison en Belgique, projette de commettre un attentat après sa libération, et ce pour le compte de l'Etat islamique. De même, un partisan belge de l'Etat islamique qui est sollicité ou inspiré depuis la Syrie ou l'Irak par des membres de l'Etat islamique en vue de commettre des attentats en Belgique sera également repris. Un militant d'extrême-droite préparant des actions terroristes contre un centre de réfugiés pour des motifs idéologiques pourra aussi être repris comme H.T.F. dans la banque de données commune T.F. Par contre, ne sera pas reprise comme H.T.F. une personne qui, par exemple, part se battre en Ukraine de l'Est.

    En ce qui concerne le second critère, les exemples suivants permettent de l'illustrer. Sera repris par exemple comme H.T.F. une personne apportant volontairement un soutien financier à un groupe belge d'extrême-droite connu pour planifier des actes de terrorisme en Belgique ou encore une personne qui apporterait un soutien financier à une autre personne, cette dernière recrutant personnellement d'autres personnes en Belgique afin de les envoyer combattre dans une zone de conflit djihadiste. Par contre, ne sera pas reprise comme H.T.F. une personne belge radicalisée, sympathisante de l'Etat islamique, dès lors qu'elle n'apporte aucun soutien quelconque (logistique, financier, ...) à l'Etat islamique.

    Le Conseil d'Etat stipule dans son avis n° 62.629/2 du 31 janvier 2018 que le nouvel article 6, § 1, 2°, c) crée une redondance par rapport à l'article 6, § 1er, 1° /1 (article 7, b), du présent projet d'arrêté royal). Cependant, le nouvel article 6, § 1, 2°, c, crée une nouvelle catégorie, notamment les potentiels H.T.F. A l'instar des F.T.F., sont repris les potentiels H.T.F. se trouvant dans une situation nécessitant un suivi en raison d'indices permettant de conclure qu'ils pourraient se retrouver enregistrés et validés dans la banque de données commune T.F. Il s'agit en fait des personnes qui ne remplissent pas encore les critères requis, mais pour lesquelles il existe certaines indications qu'elles pourraient être considérées comme Homegrown Terrorist Fighters. Ces personnes seront donc enregistrées dans la banque de données commune T.F. afin de pouvoir récolter d'autres données ou informations qui étayeront ou non le statut de Homegrown Terrorist Fighter.

    A l'instar des F.T.F., l'exploitation des données de la fiche de renseignements d'un H.T.F. constituera un outil précieux quant à la menace que représente la personne et au suivi qu'il convient d'organiser.

    Cette fiche, évaluée par l'expert...

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