14 JUILLET 2022. - Arrêté royal concernant des mesures restrictives en matière de marchés publics et de contrats de concession eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine

RAPPORT AU ROI,

Sire,

Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le Conseil européen a pris des sanctions contre la Russie. Ces sanctions ont été formalisées dans le Règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil du 31 juillet 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine qui a notamment été modifié par le Règlement (UE) n° 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine et le Règlement (UE) n° 2022/879 du Conseil du 3 juin 2022 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

Une de ces sanctions concerne les marchés publics et les contrats de concession. En effet, l'article 5 duodecies du Règlement interdit d'attribuer tout marché public ou contrat de concession à des opérateurs économiques présentant un lien avec la Russie ou d'en poursuivre l'exécution. La nature de ces liens est décrite dans le Règlement.

Quant au champ d'application de la sanction, l'article 5 duodecies du Règlement précité est très large. Il vise les marchés publics et les contrats de concession qui découlent des directives 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession, 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE et 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE. Mais il vise aussi certains marchés exclus des directives, comme certains marchés financiers. La Commission européenne a repris dans son document "frequently asked questions on public procurement sanctions against Russia" cité ci-après les différents marchés exclus par les directives « marchés publics » mais visés par le Règlement.

Il convient d'ajouter que la sanction en question ne s'applique qu'aux marchés publics et contrats de concession qui atteignent le seuil fixé pour la publicité européenne. La Commission européenne a précisé un certain nombre d'autres aspects relatifs à l'interprétation de la sanction en question dans un document intitulé "frequently asked questions on public procurement sanctions against Russia". Ce document est régulièrement mis à jour et est disponible à l'adresse suivante : https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/international-relations/restrictive-measures-sanctions/sanctions-adopted-following-russias-military-aggression-against-ukraine_en#public-procurement

A la question 28 de la FAQ susmentionnée, il est demandé si un marché peut être suspendu au lieu d'être résilié (dans les cas qui ne sont pas couverts par une possibilité de dérogation, lorsqu'aucune dérogation n'est demandée ou lorsqu'elle n'est pas accordée). La réponse de la Commission européenne indique que le règlement 833/2014 interdit l'exécution du marché. Par conséquent, un marché peut être résilié, mais une suspension inconditionnelle de l'exécution pour une durée indéterminée est également possible, conformément au droit national. A cet égard, il convient de préciser que, en droit belge, cette possibilité pour l'adjudicateur d'opter pour une suspension d'une durée indéterminée n'est actuellement pas réglée en détail dans la législation ou la réglementation. Cependant, il s'agit d'une technique qui n'est pas interdite en tant que telle et l'adjudicateur peut donc utiliser cette technique. Dans la plupart des cas, cependant, il est déconseillé de l'utiliser. En effet, la poursuite de l'exécution du marché nécessitera généralement la nomination d'un nouvel adjudicataire, compte tenu, entre autres, de la continuité du service public. Si le marché "revit" à l'expiration de la mesure restrictive, l'adjudicateur risque d'être confronté à deux marchés ayant le même objet. En outre, on ne sait pas combien de temps la mesure restrictive restera valable. De plus, il ne peut être exclu que la mesure restrictive doive être appliquée pendant une longue période. Si un marché a été suspendu, mais que cette suspension doive prendre fin en raison de l'expiration de la mesure restrictive, les conditions du marché peuvent avoir considérablement changé en raison de l'inflation et d'autres changements, ce qui peut à nouveau donner lieu à des complications dans l'exécution.

Dans certains cas définis par le Règlement, les autorités compétentes peuvent autoriser l'attribution d'un marché public à un opérateur économique présentant un lien avec la Russie ou la poursuite de son exécution.

Le présent projet a pour objet de désigner l'autorité compétente pour autoriser l'attribution ou la poursuite de l'exécution, ainsi que de fixer la procédure encadrant cette décision.

Dans l'article 8, la faculté est insérée pour le Premier Ministre d'étendre la portée d'une autorisation à tous les adjudicateurs. Lorsqu'il constate, sur la base des demandes reçues, que certains problèmes concernent beaucoup d'adjudicateurs, il peut octroyer l'autorisation de manière plus globale, afin de s'assurer que tous les adjudicateurs puissent en bénéficier et afin de limiter les charges administratives de nombreuses demandes ayant le même objet. Ce mécanisme n'a de sens que si les conditions et l'objet du marché ne doivent pas absolument être identiques, pour qu'une telle extension soit possible. Il s'agit donc d'une possibilité d'extension aux marchés publics ou aux concessions similaires, c'est-à-dire aux marchés publics ou aux concessions ayant un objet similaire et soumis à des conditions similaires. L'article 5 duodecies du règlement 833/2014 ne réglemente ni ne limite la procédure ou le mécanisme selon lequel l'autorisation peut être accordée, de sorte que le règlement précité n'exclut pas la possibilité pour les Etats membres d'accorder des autorisations « groupées ». Ces décisions devront être publiées dans le Moniteur belge pour que tout le monde puisse en prendre connaissance.

L'article 9 précise que concernant les marchés publiés liés au gaz naturel, il ne faut pas introduire de demande. La poursuite ou l'attribution de tels marchés est autorisée de manière générale. Il va de soi que les conditions de l'article 5 duodecies, paragraphe 2, e) du Règlement (UE) n° 833/2014 soient réunies. De nombreux acheteurs achètent du gaz. Il leur est presque impossible de savoir si la sanction est spécifiquement applicable au marché qu'ils ont attribué dans ce cadre. Ce sera également difficilement possible de savoir si la sanction est applicable pour les marchés futurs. En outre, la dépendance de la Belgique vis-à-vis du gaz russe est très limitée. Les négociants belges et européens achètent moins de 6 pour cent de leur gaz naturel à la Russie. Plus précisément, 2,1 pour cent des importations de GNL peuvent être liées avec certitude à la Russie (voir page 33 des Energy Key Data de février 2022 du SPF Economie, https://economie.fgov.be/fr/publications/energy-key-data-fevrier-2022 ). En outre, en ce qui concerne l'importation de gaz naturel par gazoduc, en raison de sa nature même (actuellement et pour le futur), aucun chiffre exact ne peut être fourni, étant donné que le gaz russe est également partiellement mélangé au gaz en provenance des Pays-Bas et de l'Allemagne. Il en résulte qu'il est extrêmement difficile pour les adjudicateurs de déterminer en détail, pour chaque période et sur la base de dates précises, tant pour les contrats en cours que pour les contrats à conclure, si...

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