13 AVRIL 2019. - Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve »(1)

PHILIPPE, Roi des Belges,

A tous, présents et à venir, Salut.

La Chambre des représentants a adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

CHAPITRE 1er. - Disposition générale

Article 1er. La présente loi règle une matière visée à l'article 74 de la Constitution.

CHAPITRE 2. - Nouveau Code civil

Art. 2. Il est créé un Code civil, composé des livres suivants :

  1. livre 1er. Dispositions générales ;

  2. livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples ;

  3. livre 3. Les biens ;

  4. livre 4. Les successions, donations et testaments ;

  5. livre 5. Les obligations ;

  6. livre 6. Les contrats spéciaux ;

  7. livre 7. Les sûretés ;

  8. livre 8. La preuve ;

  9. livre 9. La prescription.

    A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Code civil du 21 mars 1804 portera l'intitulé « ancien Code civil ».

    CHAPITRE 3. - Contenu du livre 8 « La preuve » dans le nouveau Code civil

    Art. 3. Le livre 8 du Code civil créé par l'article 2 comprend les dispositions suivantes :

    « Livre 8. La preuve

    Chapitre 1er. Dispositions générales

    Section 1re. Définitions

    Article 8.1. Définitions

    On entend par :

  10. écrit: un ensemble de signes alphabétiques ou de tous autres signes intelligibles apposé sur un support permettant d'y accéder pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et de préserver leur intégrité, quels que soient le support et les modalités de transmission ;

  11. signature: un signe ou une suite de signes tracés à la main, par voie électronique ou par un autre procédé, par lesquels une personne s'identifie et manifeste sa volonté ;

  12. signature électronique: une signature conforme aux articles 3,10° à 3,12° du Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la Directive 1999/93/CE ;

  13. acte sous signature privée: un écrit établi en vue de créer des conséquences juridiques, signé par la ou les parties, avec l'intention de s'en approprier le contenu, et qui n'est pas un acte authentique ;

  14. acte authentique: un écrit reçu, avec les solennités requises, par un officier public ou ministériel ayant compétence et qualité pour instrumenter ;

  15. écrit signé : tout acte authentique ou sous signature privée ;

  16. commencement de preuve par écrit: tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte juridique ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable l'acte juridique allégué ;

  17. témoignage : une déclaration faite par un tiers dans les conditions des articles 915 et suivants et 961/1 et suivants du Code judiciaire ;

  18. présomption de fait: un mode de preuve par lequel le juge déduit l'existence d'un ou plusieurs faits inconnus à partir d'un ou plusieurs faits connus ;

  19. aveu: une reconnaissance par une personne ou son représentant spécialement mandaté d'un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ;

  20. aveu complexe: un aveu assorti de précisions ou réserves qui en neutralisent ou réduisent les conséquences juridiques ;

  21. serment: une déclaration solennelle d'une partie devant un juge, par laquelle elle affirme la véracité de ses allégations ;

  22. admissibilité: la conformité de la preuve avec les règles du présent livre, qui précisent à quelles conditions un mode de preuve peut constituer la preuve d'un fait contesté ;

  23. valeur probante: la mesure dans laquelle un élément de preuve convainc le juge ;

  24. force probante: la mesure dans laquelle un mode de preuve fait preuve selon la loi et dans laquelle le juge et les parties sont liés par ce mode de preuve.

    Section 2. Caractère supplétif des règles relatives à la preuve

    Art. 8.2. Règle générale

    Sauf les définitions prévues dans le présent livre et hormis les cas où la loi en dispose autrement, toutes les règles du présent livre sont supplétives.

    Section 3. L'objet de la preuve

    Art. 8.3. Règle générale

    Hormis les cas où la loi en dispose autrement, les faits ou actes juridiques doivent être prouvés lorsqu'ils sont allégués et contestés.

    Les faits notoires ou les règles d'expérience commune ne doivent pas être prouvés.

    Le droit, même étranger, ne doit pas être prouvé.

    Section 4. La charge de la preuve

    Art. 8.4. Règles déterminant la charge de la preuve

    Celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent.

    Celui qui se prétend libéré doit prouver les actes juridiques ou faits qui soutiennent sa prétention.

    Toutes les parties doivent collaborer à l'administration de la preuve.

    En cas de doute, celui qui a la charge de prouver les actes juridiques ou faits allégués par lui succombe au procès, sauf si la loi en dispose autrement.

    Le juge peut déterminer, par un jugement spécialement motivé, dans des circonstances exceptionnelles, qui supporte la charge de prouver lorsque l'application des règles énoncées aux alinéas précédents serait manifestement déraisonnable. Le juge ne peut faire usage de cette faculté que s'il a ordonné toutes les mesures d'instruction utiles et a veillé à ce que les parties collaborent à l'administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante.

    Section 5. Degré de preuve

    Art. 8.5. Règle générale - preuve certaine

    Hormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve doit être rapportée avec un degré raisonnable de certitude.

    Art. 8.6. Preuve par vraisemblance

    Sans préjudice de l'obligation de toutes les parties de collaborer à l'administration de la preuve, celui qui supporte la charge de la preuve d'un fait négatif peut se contenter d'établir la vraisemblance de ce fait.

    La même règle vaut pour les faits positifs dont, par la nature même du fait à prouver, il n'est pas possible ou pas raisonnable d'exiger une preuve certaine.

    Section 6. Présomptions légales

    Art. 8.7. Effet des présomptions légales

    La présomption légale qu'une loi attache à certains actes juridiques ou faits modifie l'objet de la preuve ou, le cas échéant, dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve.

    La présomption légale peut être renversée sauf :

  25. lorsque la loi en dispose autrement ;

  26. lorsque cette présomption entraine la nullité d'un acte juridique ;

  27. lorsque cette présomption entraine l'irrecevabilité d'une action.

    Chapitre 2. L'admissibilité des modes de preuve

    Section 1re. Dispositions générales

    Art. 8.8. Preuve libre

    Hormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tous modes de preuve.

    Art. 8.9. Preuve réglementée

    § 1er. L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur égale ou supérieure à 3 500,00 euros doit être prouvé par les parties par un écrit signé.

    Ce montant peut être adapté par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, en fonction de l'évolution du coût de la vie ou des nécessités sociales.

    Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit signé, même si la somme ou la valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit signé.

    § 2. En cas de demande en justice, la valeur à prendre en considération est celle de l'acte juridique qui fonde la demande.

    § 3. Pour les contrats à exécution successive, la valeur à prendre en considération est la valeur totale des rémunérations des prestations pour une durée maximale d'une année.

    § 4. Lorsque l'évaluation de l'objet de l'acte juridique est impossible, parce que la valeur n'est ni déterminée ni déterminable lors de la conclusion de l'acte juridique, la preuve peut être rapportée par tous modes de preuve.

    Section 2. Exceptions à la preuve réglementée

    Art. 8.10. Preuve des actes juridiques unilatéraux

    Par dérogation à l'article 8.9 et sous réserve des exceptions prévues par la loi, la preuve d'un acte juridique unilatéral peut être rapportée par tous modes de preuve.

    La date de l'acte unilatéral est régie par l'article 8.22.

    La preuve d'un engagement unilatéral de payer par lequel une personne s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer une certaine quantité de choses fongibles est soumise à l'article 8.21.

    Art. 8.11. Preuve par et contre les entreprises

    § 1er. Contre des entreprises ou entre entreprises, telles que définies à l'article I.1, alinéa 1er, du Code de droit économique, la preuve peut être apportée par tout modes de preuve, sauf exception établie pour des cas particuliers.

    La règle énoncée à l'alinéa 1er ne s'applique pas aux entreprises lorsqu'elles entendent prouver contre une partie qui n'est pas une entreprise. Les parties qui ne sont pas une entreprise qui souhaitent prouver contre une entreprise peuvent utiliser tous modes de preuve.

    La règle énoncée à l'alinéa 1er ne s'applique pas non plus, à l'égard des personnes physiques exerçant une entreprise, à la preuve des actes juridiques manifestement étrangers à l'entreprise.

    § 2. La comptabilité d'une entreprise n'a de force probante contre une autre entreprise que si les mentions de la comptabilité des deux parties sont concordantes. Dans tous les autres cas, le juge apprécie librement la valeur probante de la comptabilité.

    La comptabilité d'une entreprise n'a pas de force probante contre des personnes qui ne sont pas des entreprises.

    La comptabilité d'une entreprise peut être invoquée contre cette entreprise. Cette comptabilité ne peut être divisée contre l'entreprise, sauf si elle n'est pas tenue régulièrement.

    § 3. Le juge peut, sur demande ou d'office, au cours d'un procès ordonner la production de tout ou partie de la comptabilité d'une entreprise concernant le litige à examiner. Le juge peut en outre imposer des mesures afin de garantir la confidentialité des pièces concernées.

    § 4. Sauf preuve contraire, une facture acceptée par une entreprise ou non contestée dans un délai raisonnable fait preuve contre l'entreprise de l'acte juridique allégué.

    Une facture non contestée par une personne qui n'est pas une entreprise ne peut être considérée comme acceptée, sauf si cette absence de contestation constitue un silence circonstancié. Une...

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