Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 décembre 2008

Date de Résolution22 décembre 2008
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T no 189.048 du 22 décembre 2008

A. 94.649/XV-701

En cause : la s.p.r.l. LABORATOIRE DE BIOLOGIE

ET DE RADIOIMMUNOLOGIE CLINIQUES, en abrégé BIORIM , en faillite, représentée par ses curateurs,

Mes A. DE SMETH et N. VAN DER BORGHT, avocats ayant élu domicile chez Me J. SOHIER, avocat, avenue Emile De Mot 19

1000 Bruxelles, contre : l'Etat belge, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, ayant élu domicile chez Mes E. MARON & UYTTENDAELE, avocats, rue de la Source 68

1060 Bruxelles.

Partie intervenante :

ULLENS DE SCHOOTEN Fernand, ayant élu domicile chez Me J. DERENNE, avocat, avenue Louise 523

1050 Bruxelles.

LE CONSEIL D'ETAT, XVe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 21 septembre 2000 par la société privée à responsabilité limitée LABORATOIRE DE BIOLOGIE ET DE RA-

DIOIMMUNOLOGIE CLINIQUES, en abrégé BIORIM, qui demande l'annulation de l'arrêté ministériel du 24 juillet 2000 portant confirmation de la décision de prolonger la suspension de son agrément;Vu l'arrêt n/ 89.367 du 28 août 2000 rejetant la demande, introduite le 19 août 2000 par la même requérante, tendant à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de l'arrêté précité;

Vu l'arrêt n/114.455 du 14 janvier 2003 rejetant la demande, introduite le 4 septembre 2000 par la même requérante, tendant à la suspension, selon la procédure ordinaire, de l'exécution de l'arrêté précité;

Vu l'arrêt n/ 168.090 du 21 février 2007 accueillant la reprise d'instance introduite par Me A. DE SMETH et Me N. VAN DER BORGHT, avocats, curateurs à la faillite de la s.p.r.l. BIORIM , rejetant la requête en intervention introduite par Jean-Claude LEUNIS, ordonnant le sursis à statuer et posant une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage, devenue Cour constitutionnelle;

Vu l'arrêt de la Cour constitutionnelle n/ 160/2007 du 19 décembre 2007;

Vu l'ordonnance du 9 mai 2008 chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de rédiger un rapport complémentaire;

Vu le rapport complémentaire de M. DELVAX, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu la notification du rapport complémentaire aux parties, le dernier mémoire et la demande de poursuite de la procédure de la partie adverse et le dernier mémoire de la partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 24 novembre 2008, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 16 décembre 2008;

Entendu, en son rapport, M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me J. SOHIER , avocat, comparaissant pour la partie requérante, Mes J. DERENNE et E. CUSAS, avocats, comparaissant pour la partie intervenante et Me E. MARON, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. DELVAX, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;Considérant que les faits utiles à l'examen du recours ont été exposés dans l'arrêt n° 168.090 du 21 février 2007;

Considérant que le cinquième moyen de la requête a été exposé dans le même arrêt; que par cet arrêt, le Conseil d'Etat a vidé sa saisine sur ce moyen, sauf en tant qu'il allègue qu'en réservant l'intervention de l'assurance maladie invalidité aux laboratoires exploités par des médecins, des pharmaciens ou des licenciés en sciences chimiques, l'article 3, § 1er, 3° et 4°, de l'arrêté royal n° 143 instaure, entre ces personnes et les autres opérateurs économiques, une différence de traitement prohibée par les articles 10 et 11 de la Constitution;

Considérant qu'à la question préjudicielle qui lui a été posée à ce sujet, la Cour constitutionnelle a répondu par son arrêt n° 160/2007 du 19 décembre 2007 que «l'article 3, § 1er, 3° et 4°, de l'arrêté royal n° 143 du 30 décembre 1982 fixant les conditions auxquelles les laboratoires doivent répondre en vue de l'intervention de l'assurance maladie pour les prestations de biologie clinique, remplacé par la loi du 30 décembre 1988, dans sa version antérieure à sa modification par la loi du 24 mai 2005, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution»;

Considérant que l'intervenant soutient, dans le dernier mémoire, que l'arrêt de la Cour constitutionnelle fait produire à l'article 3, § 1er, 3° et 4°, de l'arrêté royal n° 143 du 30 décembre 1982 des effets juridiques alors que cette disposition ne peut en avoir du fait de sa violation du droit communautaire; qu'il expose à ce sujet que la Cour constitutionnelle arrive à cette conclusion par une analyse de la proportionnalité de la mesure qui est en contradiction avec celle de la Commission européenne, laquelle a été acceptée par la partie adverse et par le parlement belge, qui a modifié la législation litigieuse; qu'il estime que le moyen doit être accueilli pour deux raisons, à savoir (1) que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article 3 de l'arrêté royal n° 143 reste d'actualité, et (2) que plus généralement, la Cour constitutionnelle et le Conseil d'Etat ont méconnu le droit communautaire; qu'il soutient que ces questions méritent en effet d'être examinées à nouveau en raison de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, par «arrêt» du 1er septembre 2008, de déclarer recevable la requête n°

38.353 de la partie intervenante contre l'Etat belge visant les arrêts du Conseil d'Etat du 21 février 2007, rendus, l'un dans la présente affaire, et l'autre dans une autre affaire introduite par la même requérante, en ce que le Conseil d'Etat avait refusé de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) au motif que le litige «ne comportait pas d'élément d'extranéité» et que le raisonnement sur lequel se fonde la Cour constitutionnelle pour justifier la légalité de la normeattaquée et refuser de poser une question préjudicielle à la CJCE est identique à celui du Conseil d'Etat dans ses arrêts du 21 février 2007, de sorte que, bien que la requête devant la Cour européenne des droits de l'homme concerne les arrêts du Conseil d'Etat du 21 février 2007, la décision de recevabilité prise par la Cour est de nature à remettre fondamentalement en cause l'arrêt de la Cour constitutionnelle puisque cette dernière a adopté un raisonnement similaire à celui du Conseil d'Etat; qu'il ajoute que la position défendue par la Cour constitutionnelle est inexacte en fait, car la situation d'espèce comporte bel et bien un élément d'extranéité, mentionné d'ailleurs par l'acte attaqué lui-même, puisque les options étaient détenues jusqu'en 1999 par la s.a. Victory qui a été constituée, en 1992, par la société de droit luxembourgeois Teguise, actionnaire majoritaire et d'autres personnes physiques étrangères; qu'il expose que la Cour constitutionnelle et le Conseil d'Etat ont méconnu le droit communautaire à trois égards, à savoir (1) le principe de primauté du droit communautaire en relation avec la règle de droit national relative à l'autorité de chose jugée, (2) la notion de droits «exclusifs ou spéciaux» de l'article 86, paragraphe 1er , CE, et (3) la notion de «situation purement interne» s'agissant de l'application des articles 43 CE, 49 CE et 56

CE, ainsi que, sur ces trois questions, l'article 234 CE quant à l'obligation de renvoi préjudiciel;

Considérant, d'une part, qu'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui constate la violation par un Etat, d'un des droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou par un de ses protocoles additionnels, est sans incidence sur l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions rendues par les juridictions de cet Etat, quand bien même c'est à une telle décision que serait due la violation, et, d'autre part, que l'«arrêt» du 1er septembre 2008 que l'intervenant invoque n'est pas un arrêt mais une mesure d'instruction qui pose une question aux parties et n'établit pas que la Convention ou un protocole aurait été violé, et encore moins que l'aurait été une règle de l'Union européenne, à l'égard de laquelle la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas compétente; que l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du Conseil d'Etat n° 168.090 du 21 février 2007, d'une part, et par l'arrêt n° 160/2007 du 19 décembre 2007 de la Cour constitutionnelle, d'autre part, fait obstacle à ce que l'argumentation développée dans le dernier mémoire de l'intervenant soit examinée; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de l*article 44, § 4, de l*arrêté royal du 3 décembre 1999 relatif à l*agrément des laboratoires de biologie clinique, du principe général de la non-rétroactivité des actesadministratifs, et de l*excès de pouvoir; qu'elle indique que l*arrêté attaqué confirme la décision de prolonger la suspension de son agrément avec effet à la date du 14 avril 2000, et qu'elle a reçu un courrier en ce sens le 16 mai 2000, lui signifiant qu*en l*absence de renouvellement de l*agrément, l'INAMI avisait les organismes assureurs d*ajourner le paiement des factures introduites jusqu'à nouvel ordre; qu'elle estime que l*autorité ne peut pas donner d'effet à un acte administratif avant sa notification, sauf si la rétroactivité a été prévue expressément par la loi et à la condition qu*elle ne porte pas atteinte aux droits des administrés; qu'elle rappelle que le principe de non- rétroactivité est d*ordre public; qu'elle expose que l'article 44, § 4, alinéa 2, de l*arrêté royal du 3 décembre 1999 relatif à l*agrément des laboratoires de biologie clinique porte qu'«après l*expiration du délai de suspension, l*agrément est renouvelé à condition qu*entre-temps le laboratoire ait satisfait aux obligations qu*il avait omis de respecter», et que cet arrêté n*impose pas d*introduire une nouvelle demande d*agrément pour pouvoir à nouveau en bénéficier, si bien que la suspension de l*agrément devait cesser de plein droit de produire ses effets à la date du 14 avril 2000; qu'elle...

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