Décision judiciaire de Conseil d'État, 2 juillet 2008

Date de Résolution 2 juillet 2008
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 185.083 du 2 juillet 2008 G./A.165.921/VI-17.002

En cause : DALECHAMPS Luc,

ayant élu domicile chez

Me Louis DEHIN, avocat, rue Saint-Laurent, nº 64, 4000 Liège,

contre :

l’Etat belge, représenté par le Vice-Premier

Ministre et Ministre de l’Intérieur.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 12 septembre 2005 par Luc DALECHAMPS qui poursuit l’annulation de "la décision du Ministre de l’Intérieur du 14 juillet 2005 lui refusant la délivrance de la carte d’identification nécessaire pour exercer des activités de gardiennage et retirant de manière implicite la décision de lui délivrer ladite carte, décision matérialisée par téléfax du 12 mai 2003 lui signalant que la carte ne pouvait être délivrée en raison d'un problème technique (...)";

Vu l’arrêt no 150.976 du 4 novembre 2005 rejetant la demande de suspension;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite par le requérant;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. THIBAUT, Auditeur au Conseil d'Etat;

Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire de la partie requérante;

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Vu l’ordonnance du 11 juin 2008 décidant d’examiner l’affaire par une chambre composée d’un membre conformément à l’article 90, § 1er, alinéa 3, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat;

Vu l'ordonnance du 11 juin 2008, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 23 juin 2008 à 13 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. NIHOUL, Conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me Renaud DEHIN, loco Me Louis DEHIN, avocat, comparaissant pour le requérant et Mme Audrey HENRY, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. THIBAUT, Premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la requête sont les suivants :

  1. Depuis une période non déterminée, le requérant exerce le métier de militaire de carrière.

  2. A partir de 2000, le requérant travaille en tant qu'indépendant à titre complémentaire, auprès de la société anonyme FULL SECURITY et y exerce des activités de gardiennage. Il suit, en juillet 2000, la formation de base de cinq jours pour agent de gardiennage qu'il réussit et, en janvier 2001, la formation pour l’exercice d’activités de contrôle de personnes qu’il réussit également. Le 9 décembre 2002, il est reconnu comme ayant réussi les examens psychotechniques nécessaires à l'exercice de la profession d'agent de gardiennage.

  3. Le 9 août 2000, le requérant consent à une enquête de moralité.

  4. Le 1er septembre 2002, la société anonyme FULL SECURITY demande une carte d'identification d’agent de gardiennage pour le requérant.

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    5. Le 16 septembre 2002, une demande d’enquête de moralité concernant le requérant est prescrite par les services de la partie adverse auprès de la police fédérale.

  5. Le 22 novembre 2002, les services de la partie adverse accusent réception de différentes demandes de cartes d'identification émanant de la société anonyme FULL SECURITY. Parmi celles-ci, figure celle du requérant.

  6. A la suite d'un entretien téléphonique du 12 mai 2003 avec un autre demandeur de carte d'identification, les services de la partie adverse confirment, par télécopie du même jour, la réception de ces demandes dont celle du requérant mais exposent qu’"en raison d'un problème technique, il nous est temporairement impossible de délivrer des cartes d’identification".

  7. Le 16 juillet 2003, l’inspecteur de police, chargé de l’enquête de moralité, dépose le rapport d’enquête de moralité auprès des services de la partie adverse. Ce rapport indique que le requérant est connu pour trois faits en relation avec sa moralité faisant l'objet de trois procès-verbaux. Le premier concerne la découverte d'une arme à feu de défense ainsi que des munitions plastiques à son domicile, le deuxième, une bagarre à la discothèque "LE TREBUCHET" dont il assurait la sécurité et le troisième, un incident de 1998 au cours duquel des membres de FULL SECURITY auraient montré des armes et utilisé des chiens sans muselière.

  8. Le 17 juillet 2003, les services de la partie adverse informent le requérant que le Ministre de l’Intérieur estime devoir refuser de lui délivrer une carte d’identification sur la base de ces trois faits, qu’il lui est loisible de prendre connaissance de ce dossier dans un délai de quinze jours ouvrables et qu’il dispose d’un délai de trente jours ouvrables pour transmettre ses observations.

  9. Le 4 août 2003, un des conseils du requérant expose aux services de la partie adverse que la "décision" ne démontre pas en quoi les conditions de moralité ne sont pas remplies par le requérant, que, pour un des faits, le requérant n'a été retenu que comme témoin, qu'en 1998, il ne travaillait pas pour la société anonyme FULL SECURITY et qu'il n'est pas maître-chien, que la simple détention d'une arme à balles plastiques en vente libre en France n'est pas de nature à compromettre gravement la moralité d'un individu, qu'aucune poursuite pénale n'a été exercée à son encontre pour ces faits, qu'il a un casier judiciaire vierge, que les procès-verbaux ne sont pas déposés au dossier administratif en intégralité, que la "décision" est manifestement dispropor-

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    tionnée aux faits reprochés à les supposer établis et qu'il demande la reconsidération de la "décision".

  10. Le 26 septembre 2003, les services de la partie adverse demandent aux Procureurs du Roi concernés de leur accorder l’autorisation de lever une copie des procès-verbaux établis par les services de police à l’encontre du requérant, de leur communiquer les suites qui leur ont été réservées sur le plan pénal et de vérifier si d'autres faits, connus de leur office, concernent le requérant, afin d’apprécier dans son chef le respect des conditions de sécurité.

    Entre le 7 octobre 2003 et le 9 novembre 2004, les services de la partie adverse obtiennent, sauf pour ce qui concerne un dossier toujours en cours d'instruction, l'accès aux différents dossiers établis à la charge du requérant.

  11. Le 23 mars 2005, les services de la partie adverse convoquent le requérant en vue de son audition le 27 avril 2005 et lui indiquent que le Procureur du Roi de Dinant les a informés de son implication dans un dossier à l'instruction concernant des coups et blessures avec incapacité de travail. Cette audition est reportée au 3 mai 2005.

  12. Le 14 juillet 2005, le Ministre de l’Intérieur prend la décision suivante, qui constitue l’acte attaqué :

    " Concerne: loi du 10 avril 1990 - refus de délivrance de la carte d'identification d'agent de gardiennage.

    Monsieur,

    Une demande a été introduite afin d'obtenir, pour vous, une carte d'identification comme agent de gardiennage. Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez satisfaire aux conditions fixées à l'article 6 de la loi du 10 avril 1990.

    Une de ces conditions est fixée par l'article 6, alinéa 1, 8/ de la loi précitée. Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d'exécution au sein d'une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle et de ce fait portent atteinte au crédit de l'intéressé.

    L'article 7 prévoit que les personnes qui font l'objet d'une enquête sur les conditions de sécurité doivent y avoir consenti préalablement et une seule fois. Vous y avez consenti en date du 9 août 2000.

    L'enquête réalisée par les services de police a révélé un certain nombre de renseignements de nature judiciaire et administrative ainsi que des données professionnelles qui sont importantes dans le cadre de l'appréciation des conditions

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    de sécurité. Ces renseignements font l'objet du rapport de Jean LEENDERS, fonctionnaire de liaison de la police fédérale (recherche fédérale).

    Le rapport d'enquête fait notamment état des éléments suivants :

    • Procès-verbal numéro D1.36.08.101064-01 concernant des faits d'armes et munitions : détention illégale d'armes de défense;

    • Procès-verbal numéro D1.43.L6.9760-02 concernant des faits de coups et blessures (à l'instruction);

    Vous avez été mis au courant de ces faits et de l'éventualité d'un refus d'octroi de votre carte d'identification par les courriers des 17 juillet 2003 et 23 mars 2005. Vous avez été informé que vous pouviez, durant toutes les phases de la procédure, vous faire assister par un conseil de votre choix. II a également été porté à votre connaissance...

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