Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 octobre 2007

Date de Résolution24 octobre 2007
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 176.110 du 24 octobre 2007 G./A.183.453/VI-17.439

En cause : PHANG Kim Ra,

ayant élu domicile chez

Me Jean-Pierre JACQUES, avocat, Mont Saint-Martin, nº 74, 4000 Liège,

contre :

1. la Communauté française,

représentée par son Gouvernement, 2. l’Autorité centrale communautaire,

en abrégé A.C.C.,

ayant élu domicile chez

Me Amaury de TERWANGNE, avocat, avenue Brugmann, nº 29, bte 23, 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------LE PRESIDENT DE LA VI e CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT, SIEGEANT EN REFERE,

Vu la demande introduite le 16 mai 2007 par Kim Ra PHANG qui tend à la suspension de l'exécution de la décision prise le 15 mars 2007 par l’autorité centrale communautaire, en abrégé A.C.C., qui lui refuse la possibilité de poursuivre son projet d’adoption au Cambodge;

Vu la requête introduite le même jour par laquelle la partie requérante demande l’annulation du même acte;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de M. AMELYNCK, Auditeur au Conseil d’Etat;

VI-17.439-1/17

Vu l'ordonnance du 31 juillet 2007 fixant l’affaire à l’audience du 11 septembre 2007 à 10 heures;

Vu la notification du rapport et de l’ordonnance de fixation aux parties;

Entendu, en son rapport, Mme WILLOT-THOMAS, Président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me Jean-Pierre JACQUES, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Amaury de TERWANGNE, avocat, comparaissant pour les parties adverses;

Entendu, en son avis conforme, M. AMELYNCK, Auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause se présentent comme suit :

  1. La requérante est née au Cambodge en 1962. Après avoir été détenue par les Khmers rouges de 1975 à 1979, elle s’est réfugiée en Thaïlande où elle a vécu de 1979 à 1981. Elle est arrivée en Belgique en 1981 et a été reconnue réfugiée le 19 janvier 1982. Elle a acquis la nationalité belge en 1991. La requérante est célibataire, sans enfant et exerce la profession d’infirmière.

  2. Par une lettre du 21 novembre 2005, le directeur de l’autorité centrale communautaire (A.C.C.) a transmis à la requérante, qui en avait fait la demande, un formulaire d’inscription au cycle de préparation à l’adoption organisé par l’autorité précitée en application de l’article 361-1, alinéa 2 du Code civil et des articles 21 à 25 du décret du 31 mars 2004 relatif à l’adoption.

    Le 11 mai 2006, le directeur de l’A.C.C. a fait parvenir à la requérante le certificat de préparation prévu à l’article 1231-28 du Code judiciaire. Un modèle de requête en déclaration d’aptitude en vue d’une adoption internationale était joint à cette lettre.

    VI-17.439-2/17

    3. Le 15 mai 2006, la requérante a adressé au juge de la jeunesse de Nivelles une requête en déclaration d’aptitude en vue d’une adoption internationale accompagnée du certificat de préparation.

    Le 1er juin 2006, le juge de la jeunesse a ordonné l’enquête sociale prévue par l’article 1231-29 du Code judiciaire et a désigné "en vue de la réalisation de cette mission, l’Autorité Centrale communautaire avec consultation des services spécialisés de la Communauté française", en application de l’article 1231-29 précité du Code judiciaire et de l’article 29 du décret du 31 mars 2004.

    L’enquête sociale, réalisée conformément à l’article 27 de l’arrêté du gouvernement de la Communauté française relatif à l’adoption, a été déposée au greffe du tribunal de la jeunesse le 1er août 2006 et mise à la disposition de la requérante pour qu’elle puisse en prendre connaissance, conformément à l’article 1231-30 du Code judiciaire.

    Le 9 octobre 2006, le tribunal de la jeunesse a rendu un jugement qui "Déclare Mme Kimra PHANG apte à adopter un enfant d’origine cambodgienne âgé entre 5 et 6 ans" et s’appuie sur la motivation suivante :

    " Attendu qu’il résulte des pièces déposées, étant le certificat de l’Autorité centrale communautaire et l’étude médico-socio-psychologique, que Mme Kimra PHANG a suivi la préparation à l’adoption et a fait l’objet d’une enquête favorable; Attendu que celle-ci conclut en effet à l’aptitude de Mme Kimra PHANG à adopter un enfant d’origine cambodgienne âgé entre 5 et 6 ans".

  3. Le 28 novembre 2006, le ministère public a déposé le rapport prévu à l’article 1231-32 du Code judiciaire. Le rapport conclut en ces termes :

    " Nous recommandons un enfant âgé entre 5 et 6 ans. Une fille ou un garçon d’origine cambodgienne. Nous émettons des réserves quant à l’adoption d’un enfant d’une autre origine car nous pensons qu’il y aurait nettement moins de cohérence et de possibilités pour assumer concrètement ce type d’adoption. Un enfant cambodgien aura des besoins connus par Madame, baignera dans une culture cambodgienne comme il l’aura été précédemment. Et ce qui sera cohérent, c’est le fait de pouvoir être investi par toute une communauté et d’avoir déjà vu ce type de lien se développer dans son pays. Et donc de pouvoir peut-être ne pas être en attente d’un autre type de parenté. Elle pourrait l’accueillir dans sa langue et dans une famille ayant la même sensibilité que ses parents biologiques. Etant de souche cambodgienne, le gouvernement cambodgien l’autorise à prendre en charge un compatriote alors que beaucoup d’étrangers se voient refuser l’adoption et que de nombreux enfants restent en attente de famille adoptive".

    VI-17.439-3/17

    5. Aucun organisme d’adoption n’étant autorisé à collaborer avec le Cambodge, qui n’est pas signataire de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la requérante a, conformément à l’article 39 du décret du 31 mars 2004, pris contact avec l’A.C.C. en vue de l’encadrement par celle-ci de son projet d’adoption au Cambodge.

    L’entretien prévu par la disposition précitée a eu lieu le 27 octobre 2006. Le dossier des parties adverses contient une note intitulée "Entretien du 27 octobre 2006 avec Madame PHANG dans le cadre d’un projet d’adoption avec l’A.C.C. (Stéphanie PINO et Cathy VERMEERSCH)" et rédigée comme suit :

    " Madame Phang nous remet copie de son jugement d'aptitude qui a été rendu le 9 octobre 2006. Madame est déclarée apte à adopter un enfant d'origine cambodgienne âgé entre 5 et 6 ans.

    Nous expliquons la procédure à Madame Phang et lui signalons que le Cambodge est un pays à risque. En outre, nous lui précisons que son jugement d'aptitude ne garantit pas qu'une adoption au Cambodge pourra avoir lieu. Nous insistons sur le fait que nous allons demander à des autorités belges et étrangères, leur avis sur la fiabilité des procédures d'adoption au Cambodge avant de remettre notre décision. Nous lui remettons le questionnaire et le lisons en détail avec elle. Nous lui précisons que la dernière partie ne la concerne pas puisqu'il n'y a pas d'enfant connu. Nous insistons sur le fait qu'aucune démarche auprès des autorités compétentes et des institutions d'enfants cambodgiens ne peut être effectuée tant que l'ACC n'a pas rendu de décision sur son projet d'adoption.

    A la fin de l'entretien, Madame nous fait part de ses inquiétudes face à la complexité du questionnaire et nous demande comment elle peut y répondre. Elle nous signale également qu'elle se rend au Cambodge de la mi-décembre à la mi-janvier avec son père.

    Nous lui rappelons qu'elle ne peut réaliser aucune démarche relative à son projet d'adoption au Cambodge, par contre elle peut profiter de ce voyage pour récolter des informations auprès de l'UNICEF,..., sur la situation des enfants abandonnés au Cambodge.

    Le jour même, un courrier est adressé à Madame Phang (voir copie du courrier) l'invitant à nous rentrer une série de documents et à payer la somme de 1000

    i".

    A la suite de cet entretien et par une lettre de la même date, le directeur de l’A.C.C. a rappelé à la requérante que l’examen de sa demande ne débuterait qu’à la réception des documents et informations prévus à l’article 40, alinéa 1er du décret.

    Par une lettre datée du 11 novembre 2006, la requérante a adressé à l’A.C.C. les documents demandés. Elle a écrit, notamment : "Je pars au Cambodge le 14 décembre prochain - Madame CHEM Sophanna - chef du Bureau de l’Adoption -que j’ai rencontrée il y a un an m’a demandé de lui remettre des documents pour son propre dossier. Elle me considère comme une compatriote à part entière et à ce titre exige que je respecte à la fois la législation Européenne et la législation cambodgienne. Elle est ma seule interlocutrice légale au Cambodge".

    VI-17.439-4/17

    Par une lettre datée du 20 novembre 2006, le directeur de l’A.C.C. a accusé réception, à la date du 16 novembre 2006, de la demande d’encadrement du projet d’adoption au Cambodge et a précisé : "En vertu de l’article 41 du décret (...), l’A.C.C. dispose d’un délai de quatre mois pour examiner les possibilités de poursuite de votre projet. Ce délai peut être porté à six mois si des motifs exceptionnels le justifient".

  4. L’A.C.C. a fait usage de la faculté prévue par l’article 40, alinéa 2 du décret du 31 mars 2004.

    Le 4 décembre 2006, l’A.C.C. s’est adressée aux...

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