Décision judiciaire de Conseil d'État, 9 février 2007

Date de Résolution 9 février 2007
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION.

A R R E T

nº 167.662 du 9 février 2007

A. 100.275/VIII-5511

En cause : DOLINSKY Daniel, avenue Latérale 67 1180 Bruxelles,

contre :

la ville de Bruxelles, ayant élu domicile chez Me Jean-Paul LAGASSE, avocat, place de Jamblinne de Meux 41 1030 Bruxelles

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VIII e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 9 février 2001 par Daniel DOLINSKY, qui demande l'annulation de la décision du 11 décembre 2000 du conseil communal de la ville de Bruxelles aux termes de laquelle il est révoqué, avec effet au 6 avril 2000;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. CUVELIER, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 24 avril 2006 ordonnant le dépôt au greffe du dossier et du rapport;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2006 notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience publique du 13 octobre 2006;

VIII - 5511 - 1/15

Entendu, en son rapport, M. GEUS, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me KAISER, loco Me LAMBERT, avocat, comparaissant pour le requérant, et Me VAN DE GEJUCHTE, loco Me LAGASSE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. CUVELIER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours sont les suivants :

  1. Le requérant est entré dans la police de Bruxelles le 29 août 1984. Depuis le 25 novembre 1991, il est titulaire du grade d'inspecteur principal de police de première classe. Depuis le 10 février 1997, il est affecté à la direction trafic.

  2. Du 12 février 1991 au 16 novembre 1999, il a successivement été puni d'une suspension d'un jour, d'un avertissement, d'une réprimande et d'une suspension d'un mois.

  3. Le 23 décembre 1999, à 17 heures 25, le requérant, qui purgeait le dernier jour de la peine de suspension reprise au point 2, a été intercepté par la gendarmerie de Bruxelles alors qu'il se trouvait à bord d'une camionnette de marque "Renault" lui appartenant en compagnie d'un ressortissant moldave qui s'était vu notifier un ordre de quitter le territoire. Le requérant faisait l'objet d'une filature de l'escadron spécial d'intervention prescrite par le juge d'instruction dans le cadre d'une instruction pénale du chef de faux et usage de faux, recel, escroquerie, extorsion, vol et concussion. Le jour même, le requérant a été placé sous mandat d'arrêt et détenu à la prison de Forest jusqu'au 5 avril 2000.

    Le 6 avril 2000, le requérant a été écarté du service en application de l'article 59 du règlement général des agents de la Ville de Bruxelles.

    Le 27 avril 2000, le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles a décidé de suspendre préventivement le requérant pour une durée de quatre mois, à dater du 6 avril 2000, avec retenue de 50 % du traitement et privation des titres à l'avancement.

    VIII - 5511 - 2/15

    4. Le 11 mai 2000, le commissaire de police en chef a adressé au Bourgmestre un rapport dans lequel il proposait de déférer le requérant à la discipline du conseil communal.

    Un rapport, au contenu identique, a été rédigé à l'attention du collège des bourgmestre et échevins, le 17 mai 2000. Les rapports précités détaillent l'ensemble des faits reprochés au requérant qui sont de nature à compromettre la dignité de la fonction de policier. Le rapport adressé au conseil communal contient une proposition de peine disciplinaire, à savoir la révocation.

  4. Par un courrier recommandé à la poste du 31 mai 2000, le requérant a été convoqué le 26 juin 2000 pour être entendu par le conseil communal dans le cadre d'un dossier pouvant donner lieu à l'application d'une sanction disciplinaire. A cette convocation était joint le rapport du Commissaire de Police en Chef au collège échevinal et énumérant les griefs à charge du requérant.

    Ladite convocation, également transmise à son conseil, attirait en outre l'attention du requérant sur le fait qu'il disposait du droit de se faire assister d'un défenseur de son choix, de demander la publicité de l'audition, de demander l'audition de témoins ainsi que la publicité de leur audition, de consulter le dossier disciplinaire dès réception de la convocation jusqu'au jour de la comparution et de communiquer par écrit ses moyens de défense.

  5. Le jour fixé pour sa comparution, le requérant a fait parvenir, par le biais de son avocat, un certificat médical attestant de son incapacité à travailler pour la période du 20 juin au 30 juin 2000.

    Sur la base de ce certificat médical et à la demande du requérant, l'examen de son dossier a été remis à la séance du conseil communal du 5 juillet 2000.

  6. L’audition du requérant s’est ainsi tenue le 5 juillet 2000.

  7. Par un arrêté du 5 juillet 2000, le conseil communal de la partie adverse a infligé au requérant la peine disciplinaire de la révocation, avec effet au 6 avril 2000. Cet arrêté a été approuvé par arrêté du Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des pouvoirs locaux, du 21 août 2000.

    VIII - 5511 - 3/15

    9. Par une requête introduite le 8 septembre 2000, le requérant a sollicité la suspension de l'exécution de la délibération précitée du 5 juillet 2000 (affaire G/A 95.340/VI-15.671 devenue VIII-2.653).

    Le Conseil d'Etat a fait droit à cette demande par l’arrêt n/ 91.266 du 1er décembre 2000.

    Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a jugé que :

    " ... la décision attaquée porte que « l'intéressé a gravement compromis la dignité de la fonction de policier»; que cette mention est suivie de l'énoncé circonstancié des faits reprochés au requérant et de ses antécédents disciplinaires; que, toutefois, aucune motivation adéquate n'est apportée quant au choix de la sanction disciplinaire la plus grave, étant la révocation, alors que, dans des conclusions présentées au Conseil communal, le requérant avait exposé les raisons pour lesquelles son comportement, à le supposer fautif, ne méritait pas plus qu'une suspension de durée réduite sans privation de traitement; qu'en tant qu'il est pris de la violation de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1991, précitée, le moyen apparaît sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué".

  8. Tirant les conséquences de l'arrêt de suspension du Conseil d'Etat, la partie adverse a, par une nouvelle délibération du 11 décembre 2000, décidé de retirer la décision prise le 5 juillet 2000 et de prendre une nouvelle décision infligeant la peine disciplinaire de la révocation au requérant, avec effet au 6 avril 2000.

    Cette décision, qui constitue l’acte attaqué en ce qu’elle inflige à nouveau au requérant la sanction disciplinaire de la révocation, est motivée comme il suit: " ....

    Vu l'arrêt du Conseil d'Etat n/ 91.266 du 1er décembre 2000 ordonnant la suspension de l'exécution de la décision ... du 5 juillet 2000, ainsi que de la décision du 21 août 2000 de l'autorité de tutelle approuvant cette décision;

    Considérant que, par son arrêt, le Conseil d'Etat a jugé que le choix de la sanction infligée à M Daniel DOLINSKY n'était pas formellement motivé sans remettre en cause le bien-fondé des griefs retenus à sa charge;

    Considérant qu'il s'agit d'un vice de pure forme que le Conseil peut réparer en refaisant l'acte comme il eût dû être fait selon le Conseil d'Etat;

    Considérant qu'au vu des motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat, le Conseil estime devoir opérer le retrait de sa décision du 5 juillet 2000 et motiver formellement sa décision de révocation pour y indiquer formellement les motifs de sa décision;

    Considérant que l'intéressé a gravement compromis la dignité de la fonction de policier, notamment :

    - nonobstant les diverses mises en garde et sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet, se livrer à des pratiques commerciales;

    VIII - 5511 - 4/15

    - fréquenter amicalement et assidûment des personnes originaires des pays de l'Est et à la moralité plus que douteuse, certaines étant en situation irrégulière, d'autres faisant l'objet ou ayant fait l'objet de poursuites judiciaires;

    - avoir emporté sans autorisation et sans justification plausible, des formulaires administratifs vierges, notamment des cartes de riverain, dont il a tenté de se débarrasser lors de son interpellation par la Gendarmerie;

    - avoir fourni à diverses personnes, des attestations de complaisance relatives à des véhicules, en contrepartie de services ou de facilités personnelles;

    - avoir mis à la vente un ordinateur portable qui s'est avéré avoir été volé;

    - avoir remis à un tiers une télécopie contenant des données relevant du secret professionnel;

    ...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT