Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 mai 2006

Date de Résolution24 mai 2006
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION.

A R R E T

nº 159.198 du 24 mai 2006

  1. 170.373/VIII-5444

En cause : PONCIN Jacques, ayant élu domicile chez Mes Philippe HALLET et Pierre LEJEUNE, avocats, rue des Fories 2 4020 Liège,

contre :

le Centre Hospitalier Universitaire de Liège

(CHU de Liège), ayant élu domicile chez Mes Patrick HENRY et Firass ABU DALU, avocats, place des Nations Unies 7 4020 Liège.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------LE PRESIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES REFERES,

Vu la demande introduite le 20 février 2006 par Jacques PONCIN tendant à la suspension de l'exécution de la "décision prise par le CHU lors de la délibération de son conseil d'administration du 21 décembre 2005, qui le place en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service à partir du 1er janvier 2006";

Vu la requête introduite le même jour par le même requérant qui demande l'annulation de la même décision;

Vu la note d'observations et le dossier administratif de la partie adverse;

Vu le rapport de M. CUVELIER, auditeur au Conseil d'Etat;

VIIIr - 5444 - 1/17

Vu l'ordonnance du 4 mai 2006 fixant l'affaire à l'audience publique du 16 mai 2006;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, Mme GEHLEN, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Mes LEJEUNE et D. DRION, avocats, comparaissant pour le requérant, et Mes HENRY et ABU DALU, avocats, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. CUVELIER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits antérieurs au 20 décembre 2002 ont été exposés dans les arrêts nº 120.658 du 17 juin 2003 et 135.698 du 4 octobre 2004; que l'arrêt nº 120.658 précité a suspendu l'exécution de la décision du conseil d'administration du Centre Hospitalier Universitaire de Liège, en abrégé CHU, prise le 20 décembre 2002, de placer le requérant en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service à partir du 1er janvier 2003; que depuis lors :

  1. Le 14 juillet 2003, le requérant est réintégré au CHU; le dossier de la partie adverse ne contient aucune pièce de cette date ou d'une date proche décrivant la mission qui lui est alors confiée. Le requérant la décrit en ces termes dans une lettre qu'il adresse le 30 janvier 2004 au chef du service de génétique humaine, le professeur BOURS : "une activité nouvelle, centrée sur l'étude -(...)- des facteurs génétiques prédisposant aux maladies complexes multifactorielles (telles que les affections cardiovasculaires et neurodégénératives) ou responsables de la variabilité de réponse aux médicaments (pharmacogénétique)". Dans une lettre du 2 mars 2004 adressée au président du conseil d'administration du CHU, le professeur BOURS parlera d' "un travail bibliographique concernant l'étude des facteurs génétiques prédisposant aux maladies cardio-vasculaires". Interrogées sur ce point à l'audience, les parties requérante et adverse ne s'accordent pas quant au contenu et aux modalités précis de la mission. Pour le requérant, celle-ci impliquait des contacts avec des scientifiques au sein du CHU ou en dehors de celui-ci et devait déboucher sur des applications concrètes; pour la partie adverse, elle n'excluait pas des contacts épisodiques qui n'étaient cependant pas indispensables et ne pouvait pas déboucher sur des applications concrètes;

    VIIIr - 5444 - 2/17

    2. Le 8 octobre 2003, le conseil d'administration décide de retirer sa décision du 20 décembre 2002. Deux jours plus tôt, l'administrateur délégué du CHU avait annoncé à la presse que de nouvelles procédures seraient entamées contre "J." -c'est-à-dire le requérant, identifiable quoique non cité nommément dans l'article "dans les formes, cette fois".

  2. Par lettre recommandée du 19 novembre 2003, l'administrateur délégué du CHU notifie une nouvelle fois au requérant la proposition de mise en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service faite par son chef de service le 15 avril 2002 sur la base de l'article 45sexies, § 2, du statut des membres du cadre hospitalier du CHU. Dans la lettre du 6 décembre 2003 accusant réception de cette proposition, le requérant exprime l'opinion que la procédure devait être recommencée ab initio parce que "la situation actuelle n'est pas compatible avec les conclusions que le Professeur BOURS a cru pouvoir formuler en conclusion de sa lettre du 15 avril 2002.". Dans cette même lettre du 6 décembre 2003, le requérant écrit : "Compte tenu, notamment, des déclarations publiques que vous avez faites à propos du dossier, déclarations qui ont été reproduites dans le journal "Le Soir", je considère qu'à tout le moins sur le plan des apparences, vous ne disposez plus de l'impartialité requise pour procéder à l'instruction du dossier. Par nature, une instruction doit en effet se réaliser à charge et à décharge, et son résultat ne peut être annoncé avant même qu'elle ait lieu. En conséquence, il me paraît indispensable qu'un mandataire ad hoc désigné par le CHU soit désormais chargé de cette instruction".

  3. A la même époque, l'administrateur délégué interroge le chef du département de biologie clinique sur les possibilités d'accueillir le requérant dans ce service; aucun responsable du département ne répond positivement à cette demande. Par ailleurs, en séance du 17 décembre 2003, le conseil d'administration décide d'exclure le requérant du bénéficie de l'indemnité de promotion scientifique et médicale, en abrégé PSM, relative à l'année 2002; cette exclusion et celle se rapportant aux années suivantes font l'objet d'un litige devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. Le motif de l'exclusion décidée le 17 décembre 2003 est que ladite indemnité "a pour objectif de récompenser et d'encourager la contribution du bénéficiaire au développement de la qualité de l'activité médicale au CHU" et "que, durant l'année 2002, cet objectif n'est pas rencontré dans le chef de M. J. PONCIN; qu'en effet, durant toute cette année, des. difficultés relationnelles exceptionnellement graves entre M. J. PONCIN et les autres membres du Service de Génétique ont perturbé et entravé le bon fonctionnement dudit service". Une décision de même portée sera prise le 22 décembre 2004 pour l'indemnité relative à l'année 2003, au motif, cette fois, "que, dans les faits, le Docteur J. PONCIN n'a en rien participé au développement et à la qualité de l'activité médicale durant l'année 2003et

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    qu'il ne répond dès lors pas aux conditions d'octroi de l'indemnité PSM". Il en sera de même pour l'indemnité relative à l'année 2004.

  4. Le 19 décembre 2003, le professeur BOURS écrit ce qui suit à l'administrateur délégué : " Suite à la suspension de la procédure par le Conseil d'Etat, le Docteur Poncin a réintégré le CHU le 14 juillet 2003. Il me semblait logique de lui proposer à ce moment une activité scientifique intéressante dans les limites de ce qui était possible. Peu de temps après son retour, je lui ai dès lors proposé de débuter un travail bibliographique concernant, comme mentionné dans son courrier, l'étude des facteurs génétiques prédisposant à certaines malad ies en p articulier les malad ies cardio-vasculaires. Il est exact que Monsieur Poncin s'est attelé à ce travail et qu'il m'en a transmis les premiers résultats.

    Ce travail, s'il est intéressant scientifiquement, est par lui-même limité dans sa portée et dans le temps. Une fois la compilation de la bibliographie terminée, il conviendrait effectivement logiquement de passer à la mise en application d'un travail de recherche et de développement. Pour les raisons invoquées précédemment, il est totalement impossible et illusoire de confier à Monsieur Poncin une autre mission en rapport avec ce travail bibliographique qui lui fut demandé. En particulier, une demande d'activité de laboratoire réalisée en équipe reste inconcevable.

    Dans un courrier récent que je vous avais adressé, je mentionnais cette difficulté.

    Vous m'avez suggéré de demander au Département de Biologie Clinique si une tâche pouvait être confiée à Monsieur Poncin en attendant la reprise de la procédure. Le Conseil du Département de Biologie Clinique s'est réuni ce 15 décembre 2003.

    Aucun des chefs de service présents n'a pu proposer une mission scientifique à confier au Docteur Poncin.

    En d'autres termes, nous nous retrouvons dans une situation identique à celle décrite dans mon courrier du 15 avril 2002. Effectivement, la réintégration du Docteur Poncin au sein du laboratoire de biologie moléculaire reste impossible. J'ai d'ailleurs clairement indiqué cette impossibilité au Docteur Poncin dès son retour en juillet 2003. Il est exact que dans son courrier qu'il m'a adressé ce 8 octobre 2003, le Docteur Poncin propose de faire une série d'exposés scientifiques sur le travail bibliographique qu'il a réalisé et de rédiger des projets de recherche permettant de financer un programme de recherche et de développement. Ces propositions sont malheureusement irréalistes. Un projet de recherche de cette envergure nécessite obligatoirement un travail en équipe et impliquera forcément l'intégration de ces développements dans l'activité actuelle du laboratoire de biologie moléculaire du Service de Génétique, ce qui reste comme mentionné ci-dessus impossible.

    Dans ces conditions, je persiste à demander la mise en disponibilité du Docteur Poncin par retrait d'emploi dans l'intérêt du service."

    (...)".

  5. Par lettre du 9 janvier 2004, le président du conseil d'administration du CHU fait savoir au requérant que, sans reconnaître le bien-fondé du grief de partialité formulé, la partie adverse a décidé, dans un souci d'apaisement, de désigner en sa personne un administrateur ad hoc. La même lettre transmet au requérant la "note

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    actualisée" du professeur BOURS reproduite ci-dessus et précise que...

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