Décision judiciaire de Conseil d'État, 4 mai 2005

Date de Résolution 4 mai 2005
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION.

A R R E T

nº 144.181 du 4 mai 2005

A.99.602/VI-15.787

En cause : TAFT Lillemor,

ayant élu domicile chez

Me Anne FEYT, avocat, rue de la Source, nº 68, 1060 Bruxelles,

contre :

L'ETAT BELGE, représenté par le

Ministre de l'Agriculture et des Classes moyennes,

ayant élu domicile chez

Me Michel MAHIEU, avocat, avenue Louise, nº 523, 1050 Bruxelles.

Partie intervenante : L'INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS,

ayant élu domicile chez

Me Bernard LOUVEAUX, avocat, rue du Prince Royal, nº 85, 1050 Bruxelles.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 19 janvier 2001 par Lillemor TAFT, agent immobilier agréé, qui demande l'annulation de l’arrêté royal du 28 septembre 2000 portant approbation du code de déontologie de l’Institut professionnel des agents immobiliers;

Vu l'arrêt nº 100.010 du 22 octobre 2001 rejetant la demande de suspension;

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Vu l'arrêt no 110.064 du 6 septembre 2002 renvoyant la cause à la procédure ordinaire;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. JADOT, Premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 9 novembre 2004 ordonnant le dépôt au greffe du dossier et du rapport;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 22 mars 2005, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 27 avril 2005;

Entendu, en son rapport, M. NIHOUL, Conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me Marc UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la requérante, Me Michel MAHIEU, avocat, comparaissant pour la partie adverse et Me Bernard LOUVEAUX, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, M. JADOT, Premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

I. LES FAITS.

Considérant que les faits de la cause sont les suivants :

  1. Conformément à la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services, l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier a notamment créé l'Institut professionnel des agents immobiliers, en abrégé l’I.P.I., partie intervenante.

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    2. Le 5 janvier 1999, le Conseil national de l'I.P.I. a établi un code de déontologie, conformément aux articles 2 et 7 de la loi-cadre du 1er mars 1976 précitée.

  2. L'arrêté royal du 3 février 1999 portant approbation du code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers a rendu obligatoire ce code de déontologie.

    L'arrêté a été publié au Moniteur belge du 25 mars 1999 et est entré en vigueur le même jour. Son exécution a été suspendue pour le tout par l'arrêt n/ 82.408 du 24 septembre 1999 et son annulation, prononcée par l’arrêt n/ 105.673 du 19 avril 2002 "en tant seulement qu’il approuve l’article 12 du code de déontologie". Par un arrêt n/ 111.227 du 9 octobre 2002, le Conseil d’Etat a déclaré sans objet un autre recours

    en annulation du même arrêté en tant qu’il approuvait l’article 12 du code de déontologie, et l’a rejeté pour le surplus.

  3. Le 6 juin 2000, le Conseil national de l'I.P.I. a établi un nouveau code de déontologie, lequel a été rendu obligatoire par l'article 1er de l'arrêté royal du 28 septembre 2000 portant approbation du code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers. Cet arrêté royal abroge également l'arrêté royal du 3 février 1999 précité (article 2).

    Publié au Moniteur belge du 21 novembre 2000, il est entré en vigueur, en l'absence de disposition particulière, le dixième jour qui a suivi sa publication, soit le 1er

    décembre 2000. Il s’agit de l’arrêté royal attaqué.

    II. EN DROIT.

    A. QUANT A LA RECEVABILITÉ.

    Considérant que la partie adverse et la partie intervenante estiment que le recours est irrecevable en raison d’un défaut d’intérêt dans le chef de la requérante; qu’elles relèvent que la requérante déclare exercer la profession d’agent immobilier depuis 1987 et que "ne parvenant pas à tenir un bureau toute seule", elle est devenue en 1994 déléguée de location au sein de la s.a. HOUSING SERVICE I.G.C.; qu’elles en déduisent, premièrement, que le fait que la requérante ne soit pas parvenue "à tenir un bureau toute seule" est étranger à l’existence d’un règlement de déontologie, et ce d’autant plus que l’adoption de ce règlement est postérieure à l’année 1994, date à laquelle la requérante a rejoint une grande structure de l’agglomération bruxelloise,

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    deuxièmement, qu’à supposer fondée la thèse de la requérante selon laquelle le nouveau règlement de déontologie favorise les grands bureaux, il en résulterait que la société pour laquelle elle travaille en tirerait profit, et, troisièmement, que, lors de l’arrêt à intervenir, la requérante sera âgée de plus de 65 ans, après le 5 mars 2002, atteignant ainsi l’âge usuel de cessation des activités;

    Considérant que, dans son mémoire en réplique, la partie requérante fait valoir que le seul fait qu’elle est agent immobilier agréé par l’I.P.I. suffit à établir son intérêt à poursuivre l’annulation de l’acte attaqué, puisque l’ensemble des règles déontologiques contenues dans le code de déontologie s’applique à elle, que, si elle exerce sa profession au sein d’une structure plus grande, c’est en qualité d’indépendante, que les règles déontologiques litigieuses lui sont directement applicables, que personne n’est en mesure de prédire le moment où elle cessera ses activités d’indépendante et qu’elle n’est nullement tenue de cesser ses activités à 65 ans;

    Considérant que le seul fait que la requérante soit agent immobilier agréé par l’I.P.I. et, par voie de conséquence, soumise au code de déontologie litigieux, suffit à établir son intérêt au recours; qu’il importe peu, à cet égard, qu’elle ne serait pas parvenue, dès avant l’entrée en vigueur du code de déontologie, à "tenir un bureau toute seule" et qu’elle exerce son activité au sein d’une structure plus importante; que la perte d’intérêt déduite de l’âge de la requérante par les parties adverse et intervenante ne peut davantage être retenue; qu’en effet, outre les éléments relatifs à sa situation profession-nelle dont la requérante a fait état, le code de déontologie litigieux a acquis force obligatoire et a produit des effets, notamment à son égard; que s’agissant d’un acte réglementaire, ceci suffit à justifier l’intérêt au recours de la requérante; qu’il s’ensuit que le recours est recevable;

    B. QUANT AU FOND.

    Considérant que la requérante prend un premier moyen "de la violation de l'article 3, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, des formes substantielles et de l'excès de pouvoir"; qu'en substance, la requérante soutient que l'arrêté royal querellé présente un caractère réglementaire au sens de l’article 3 précité en manière telle que, sauf à invoquer et à motiver spécialement l'urgence, la partie adverse se devait, sous peine de violer la disposition visée au moyen, de consulter la Section de législation du Conseil d'Etat avant d'adopter l'acte attaqué; qu’elle déduit le caractère réglementaire de l’arrêté royal attaqué de la circonstance que le code de déontologie élaboré par l’I.P.I. ne possède en lui-même aucun caractère réglementaire et que c’est seulement son

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    approbation par le Roi qui lui confère une force obligatoire à l’égard de l’ensemble de la profession des agents immobiliers; qu’elle ajoute qu’il en va d’autant plus ainsi que les articles 12 et 19 du code de déontologie qu'il approuve ne contiennent nullement une règle de déontologie, mais constituent des normes destinées à déterminer les types de contrats qui pourront être conclus par les agents immobiliers et qui produisent des effets, non seulement à l'égard des agents immobiliers, mais également à l'égard de leurs clients; qu’elle soutient enfin que le caractère réglementaire de l’arrêté royal attaqué est démontré par l’arrêt Taft, n/ 82.408 du 24 septembre 1999, "lequel a eu égard au contenu normatif du précédent code de déontologie", et qu’"on n’aperçoit pas les raisons pour lesquelles un même acte pourrait être considéré, quant à son contenu, comme un acte réglementaire par la section d’administration et échapper parallèlement au contrôle préventif de la section de législation";

    Considérant que la partie adverse se réfère à un avis de la Section de législation du Conseil d’Etat L. 26.708/3, donné le 9 décembre 1997 sur un projet d’arrêté royal portant approbation du règlement de stage de l’Institut professionnel des comptables, dont il ressort que l’acte par lequel le Roi approuve un règlement de stage conformément à l’article 7 de la loi du 1er mars 1976 précitée est un acte de haute tutelle administrative, qui ne produit plus d’effets dès qu’il en a été fait application, de sorte qu’il est dénué de tout caractère réglementaire au sens de l’article 3 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat précitées; qu’elle souligne que cet avis confirme une doctrine et une jurisprudence constantes et que c’est par l’effet d’une confusion que la partie requérante déduit du caractère obligatoire conféré au code de déontologie par l’arrêté royal litigieux le caractère réglementaire de celui-ci au sens de l’article 3 précité; qu’en ce qui concerne l’argument pris de ce que certaines dispositions du code de déontologie approuvé par l’arrêté royal attaqué excéderaient les limites de la déontologie, la partie adverse fait valoir qu’à la différence de l’article 12 de l’ancien code de déontologie, qui, du fait qu’il imposait la conclusion de conventions exclusives, avait été considéré par l’arrêt n/ 82.408 du 24 septembre 1999 comme excédant les limites de la déontologie, l’article 19 du...

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