Décision judiciaire de Conseil d'État, 28 avril 2004

Date de Résolution28 avril 2004
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION.

A R R E T

nº 130.748 du 28 avril 2004

A.138.983/XIII-3057

En cause : GOESSENS Ralph, ayant élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et Nathalie FORTEMPS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

  1. la Commune de Frasnes-lez-Anvaing, ayant élu domicile chez Me Etienne PIRET, avocat, rue Jean-Baptiste Meunier 98 1050 Bruxelles, 2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre LAMBERT, avocat, avenue Defré 19 1180 Bruxelles.

    -------------------------------------------------------------------------------------------------------LE PRESIDENT F.F. DE LA XIII e CHAMBRE DES REFERES,

    Vu la demande introduite le 11 juillet 2003 par Ralph GOESSENS, tendant à la suspension de l'exécution du permis d’urbanisme délivré le 24 janvier 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Frasnes-lez-Anvaing à Bernard D’HEYGERE l’autorisant à construire une porcherie d’engraissement compartimentée (deux salles) destinée à accueillir 900 porcs, sur un bien sis rue du Buisson 12 à Frasneslez-Anvaing (Oeudeghien) cadastré section B, nos 518k, 518l, 525l, 525m et 526a;

    Vu la requête introduite le même jour par le même requérant qui demande l'annulation du même acte;

    XIIIr - 3057 - 1/20

    Vu la note d'observations de la seconde partie adverse et les dossiers administratifs;

    Vu le rapport de M. BOSQUET, auditeur au Conseil d'Etat;

    Vu l'ordonnance du 10 octobre 2003 fixant l'affaire à l'audience du 24 octobre 2003 à 9.30 heures;

    Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

    Entendu, en son rapport, Mme GUFFENS, conseiller d'Etat;

    Entendu, en leurs observations, Me Nathalie FORTEMPS, avocat, comparaissant pour le requérant, Me Cédric WAUCQUIEZ, loco Me Etienne PIRET, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Bénédicte HENDRICKX, loco Me Pierre LAMBERT, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse;

    Entendu, en son avis conforme, M. BOSQUET, auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit :

  2. Bernard D’HEYGERE, agriculteur, dispose d’une ferme sise à Frasneslez-Anvaing (Oeudeghien), dans le hameau du Buisson, rue du Buisson 12. Elle est inscrite en zone agricole au plan de secteur de Ath-Lessines-Enghien et est comprise dans le périmètre du parc naturel du pays des collines dont la création a été approuvée par un arrêté du Gouvernement wallon du 12 juin 1997.

    Il s’agit d’une ancienne ferme comprenant, outre le corps de logis, divers bâtiments tels qu'étables, des hangars à pommes de terre et pour stocker du matériel agricole.

    Bernard D’HEYGERE a obtenu un permis de bâtir le 26 août 1996 pour la construction de son habitation, et un autre le 20 avril 2001 pour la démolition de bâtiments agricoles, la construction d’un hangar et l’agrandissement d’un hangar à pommes de terre.

    XIIIr - 3057 - 2/20

    L’habitation la plus proche du site se trouve, selon la notice d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement, à 85 mètres à l’ouest.

  3. Ralph GOESSENS, dentiste, habite une ancienne ferme située plus ou moins au nord par rapport à la ferme de Bernard D’HEYGERE. La distance séparant les deux sites est évaluée, selon le requérant, à "environ 300 mètres, dans le sens des vents dominants", et selon la deuxième partie adverse, à "environ 400 mètres". Il a acquis ce bien en 1999, bien également inscrit en zone agricole au plan de secteur.

  4. A une distance d’environ 160 mètres du site de la future porcherie est implanté un élevage intensif de poulets d’une capacité de 19.000 animaux, étranger à l’exploitation de Bernard D’HEYGERE. Le requérant situe cet autre élevage à 200 mètres de son habitation. La carte IGN (Institut géographique national) qu’il a transmise indique plutôt 300 mètres.

    Une porcherie d’une capacité de 2000 animaux existe déjà dans l’environnement de Ralph GOESSENS, au nord de son habitation (soit la direction opposée par rapport au site litigieux) et à une distance selon ce dernier de 750 mètres.

    Le requérant invoque également l’existence (non vérifiable sur base du plan) d’autres élevages dans les environs : une porcherie située à 3 kilomètres au nord-ouest d’une capacité de 1000 porcs, une autre porcherie à 3 kilomètres au nord (d’une capacité de 450 porcs) et une autre enfin au sud-est à 4 kilomètres.

  5. Bernard D’HEYGERE exerce actuellement les activités de culture de pommes de terre, de production laitière et d’élevage de jeunes veaux. Selon le requérant, le nombre de bovins serait de 163 (dont 48 vaches laitières).

    Une demande de permis d’urbanisme pour la construction d’une porcherie compartimentée (deux salles) est introduite le 3 septembre 2002 auprès de l’administration communale de Frasnes-lez-Anvaing.

    Compte tenu des problèmes de rentabilité actuelle qu’il rencontre dans ces secteurs, Bernard D’HEYGERE souhaite diversifier ses activités. Dans la notice d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement annexée à sa demande, il déclare que l’isolement de son exploitation lui "permet d’envisager le développement d’élevages hors-sol sans générer d’importantes nuisances aux rares voisins". Il projette d’exercer une activité complémentaire d’engraissement de porcs (capacité de 900 bêtes).

    XIIIr - 3057 - 3/20

    Le nouveau bâtiment sera implanté à proximité immédiate des bâtiments de ferme existants (à l’arrière de ceux-ci). Ses dimensions sont approximativement de 50 mètres sur 18 mètres.

    La capacité d’accueil telle que décrite dans la notice d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement est de 900 porcs. La notice précise encore à ce sujet que "ce type de bâtiment est prévu pour héberger des porcelets de 20/22 kilos âgés de 9 semaines environ, en provenance d’élevages spécialisés", qu’ils "le quitteront quatre mois plus tard au poids de 100 kg", qu’entre "chaque série d’engraissement, quelques jours sont nécessaires pour le nettoyage auxquels s’ajoutent un vide sanitaire (sic)", et qu’il "est ainsi prévu d’effectuer 2,5 lots par an".

    En ce qui concerne l’existence de captages dans les environs, la notice précise ce qui suit :

    " Aucun cours d’eau ne se situe à proximité du projet.

    D’une recherche effectuée par le service des eaux souterraines du Ministère de la Région wallonne, il ressort qu’il n’y a aucun captage de prise d’eau publique dans un rayon de 2 km minimum. Le captage privé le plus proche se situe à 793 mètres. (...)".

    Elle renvoie également à un plan figurant en annexe représentant les résultats de la recherche géocentrique destinée à localiser, dans un rayon de deux kilomètres autour du site litigieux, les prises d’eau souterraine potabilisable en activité, les prises d’eau souterraine non potabilisable en activité, les prises d’eau souterraine non en activité, les piézomètres, les prises d’eau de surface non potabilisable, les prises d’eau de surface potabilisable et les établissements polluants. Ledit plan ne renseigne aucune de ces prises d’eau dans le rayon (plus restreint) de 500 mètres autour du site litigieux.

    Les boxes d’animaux seront conçus sur caillebotis. La porcherie sera construite sur une fosse d’une profondeur de 2 mètres selon le plan. La notice précise à ce sujet ce qui suit :

    " La fosse a une capacité de 1152 m³. Le volume d’effluents produit par un porc est de 0,5 m³/4 mois. L’occupation nette étant de 10 mois, on obtient ainsi un stockage de un an sans vidange".

    En ce qui concerne l’impact du projet sur l’environnement, la notice contient les indications suivantes :

    " 6 - 1 - La production de lisier et son épandage - rejets d'azote

    XIIIr - 3057 - 4/20

    Le Code de bonnes pratiques agricoles du Ministère de l'Agriculture de la Région Wallonne nous renseigne une production de 0,5 m³ de lisier/porc/4 mois. Nous avons calculé plus haut que la production de lisiers atteindra 1125 m³/an.

    Toutefois c'est la valeur nitrate de ces effluents qui importe en matière de pollution des nappes phréatiques et des eaux de surface. Pour calculer le rejet azoté annuel de la porcherie, nous emploierons les nouvelles normes du Projet d'arrêté du Gouvernement wallon relatif à la gestion durable de l'azote en agriculture (annexe 3). Sur base des charges en bétail de l'exploitation (annexe 4), nous calculons : #

    Quantité d'azote produite par les bovins :

    698 UCP * 10 kg N/UCP = 6980 kg N ou suivant les nouvelles normes :

    - 44 vaches laitières x 90 kg N org /au = 3960 kg - 19 vaches allaitantes ou de réforme ou bovins de plus de 2 ans soit 19 x 73 kg

    N org/an = 1387 kg - 13 bovins de moins de 6 mois x 10 kg N org/an = 130 kg - 13 bovins de 6 à 12 mois x 23 kg N org/an = 299 kg - 18 génisses de 1 à 2 ans x 44 kg N org/an = 792 kg - TOTAL : 6568 kg N

    Ces deux chiffres sont similaires #

    Quantité d'azote produite par les porcs :

    900 porcs x 12 kg N/tête.an = 10800 kg N #

    Quantité totale d'azote :

    6980 kg + 10800 kg = 17780 kg N #

    Surface disponible pour l'épandage sur l'exploitation :

    Prairies : 15,03 ha x 210 kg N org./an = 3.156 kg

    Sous-labour : 85,11 ha x 120 kg N org./an = 10.213 kg

    } 13.369 kg

    #Solde de la surface à trouver en vue d'établir une convention d'épandage : Solde de l'azote à épandre : 17.780 kg - 13.369 kg = 4.411 kg

    Des conventions d'épandage ont été passées avec divers agriculteurs et sont reprises en annexe.

    (...).

    Ces trois contrats permettent d'épandre un total de 5763 kg N. Les besoins étant de 4411 kg N, la législation est largement respectée. Le dépassement permet l'application de la norme de 80 kg/ha au lieu de 120 kg/ha. Il importe de rappeler que la norme d'épandage sur les terres de culture à hauteur de 80 kg, est la norme des zones vulnérables . Aucune parcelle d'épandage n'est en zone vulnérable ! Il y a donc là une importante marge de manoeuvre !!!

    D'une recherche effectuée en collaboration avec l'Unité d'hydraulique et de topographie...

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