Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 octobre 2003

Date de Résolution 8 octobre 2003
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION D'ADMINISTRATION.

A R R E T

nº 124.006 du 8 octobre 2003

A.95.152/VIII-3409

En cause : la Ville de Binche, ayant élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et Anne FALYS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VIII e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 4 septembre 2000 par la ville de Binche qui demande l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2000 par lequel le Gouvernement wallon annule la délibération du conseil communal de la ville de Binche du 22 mai 2000 démettant d'office et sans préavis Jean-Claude ROUSSEAU;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Mme DAGNELIE, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 5 février 2003 ordonnant le dépôt au greffe du dossier et du rapport;

Vu la notification du rapport aux parties et la lettre valant dernier mémoire de la partie requérante;

VIII - 3409 - 1/16

Vu l'ordonnance du 8 juillet 2003 notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 26 septembre 2003;

Entendu, en son rapport, Mme DAURMONT, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me BOURTEMBOURG, avocat, comparaissant pour la requérante, et Mme SINNAEVE, attachée, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. CUVELIER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Jean-Claude ROUSSEAU est éboueur à la ville de Binche. Cette fonction consiste à effectuer le convoyage, le nettoyage en ville, le nettoyage après les marchés et le ramassage des dépôts de sacs clandestins.

  2. Le 5 janvier 1998, son médecin traitant, le Docteur PIRET, rédige le certificat suivant : " Je soussigné, certifie que Monsieur ROUSSEAU Jean-Claude ne peut exercer de profession comportant le port de charges lourdes et ce, définitivement".

  3. Le 2 mars 1998, Jean-Claude ROUSSEAU subit un examen médical de reprise de travail après maladie et le Docteur PIROTTE, médecin du travail, le déclare suffisamment apte pour l'exercice de sa fonction d'éboueur.

  4. Le 5 mars 1998, le collège échevinal communique la fiche d'examen du 2 mars 1998 à l'intéressé et l'invite à reprendre immédiatement ses fonctions habituelles. Jean-Claude ROUSSEAU refuse de signer l'accusé de réception de cette lettre.

  5. Le 15 octobre 1998, après avoir demandé l'avis du médecin traitant, le Docteur PIROTTE examine à nouveau Jean-Claude ROUSSEAU et le déclare apte à exercer sa profession avec la réserve qu'il "doit être aidé pour le port de charges lourdes de plus de 20Kg".

    VIII - 3409 - 2/16

    6. L'intéressé subit un nouvel examen le 14 décembre 1999 et le médecin du travail prend les mêmes conclusions que celles du 15 octobre 1998.

  6. Le 14 janvier 2000, le Directeur des travaux fait rapport au collège échevinal sur le comportement de Jean-Claude ROUSSEAU. Il écrit, notamment : " ...

    - Les 30 et 31 décembre : absent sans justification.

    - Le 10 janvier 2000 : Monsieur RUELLE a demandé à Jean-Claude ROUSSEAU d'effectuer son travail habituel, à savoir : convoyage, nettoyage en ville, nettoyage après les marchés, ramassage des dépôts de sacs clandestins. Celui-ci a refusé d'effectuer ces tâches prétextant "qu'il y avait du changement". Suite au refus de monsieur Jean-Claude ROUSSEAU, Monsieur RUELLE lui a demandé de rester à sa disposition mais celui-ci a préféré quitter le service à 9h15'.

    - Le 11 janvier 2000 : il est absent sans justification.

    - Le 12 janvier 2000 : absent toute la journée.

    - Le 13 janvier 2000 : absent toute la journée.

    - Le 14 janvier 2000 : absent toute la journée".

  7. Le 7 février 2000, le chef de section du service du personnel fait également rapport au collège échevinal. Il signale que l'intéressé est absent sans justification depuis le 19 janvier 2000 et rappelle au collège que l'article 153 du statut administratif du personnel prévoit que l'agent qui, sans motif valable, abandonne son poste et reste absent pendant plus de dix jours, est démis d'office et sans préavis de ses fonctions.

  8. Le 11 février 2000, le directeur des travaux envoie la note suivante au service du personnel : " A plusieurs reprises déjà, vos services ainsi que le Collège se sont penchés sur le cas de M. ROUSSEAU.

    Des faits nouveaux dont l'importance doit vous être signalée se sont passés dans le courant de ce mois de janvier.

    Dès les premiers jours de janvier, M. ROUSSEAU a à nouveau contesté les ordres qui lui étaient donnés par M. RUELLE et qui pourtant ne constituaient que l'exercice normal de son affectation, allant même jusqu'à refuser catégoriquement d'agir.

    Devant ce refus, M. RUELLE l'a prié de rester à sa disposition en attendant qu'il en informe sa ligne hiérarchique.

    Entre-temps, l'intéressé a quitté son lieu de travail.

    VIII - 3409 - 3/16

    De façon totalement imprévue, M. Joël RUELLE s'est rendu sur le site de nos académies afin de donner des instructions à M. André PRIBILINEC, attaché à ce site.

    Il eut, sur place, la surprise de constater que M. Jean-Claude ROUSSEAU s'y trouvait réfugié dans le réfectoire sans toutefois qu'il ne soit question d'un quelconque travail. M. RUELLE lui a fait remarquer que rien ne l'autorisait à se trouver à cet endroit et l'a donc prié de regagner le site d'attache du service des Travaux, ce qu'il n'a d'ailleurs pas fait.

    Le jour suivant, soit le 19 janvier 2000, il s'est absenté jusqu'à ce jour sans aucune justification connue de notre part.

    A toutes fins utiles, nous avons joint une attestation de M. André PRIBILINEC stipulant que M. ROUSSEAU n'était plus présent depuis le 19 janvier 2000 sur le site des académies où nous l'avions préalablement trouvé".

  9. Par une lettre du 18 février 2000, le collège échevinal informe Jean-Claude ROUSSEAU que, lors de ses séances des 7 et 14 février 2000, il a pris connaissance du rapport de son directeur sur ses absences injustifiées du 19 janvier au 14 février 2000.

    Il rappelle à l'intéressé que l'article 153 du statut administratif du personnel prévoit que "Est démis d'office et sans préavis de ses fonctions, l'agent qui, sans motif valable, abandonne son poste et reste absent plus de dix jours".

    Enfin, il fait part au requérant de son intention de proposer au prochain conseil communal d'entamer une procédure disciplinaire relative à ses absences injustifiées.

  10. Le 11 avril 2000, le secrétaire communal rédige un rapport. Après un rappel chronologique des faits, il poursuit en ces termes :

    ... "Il y a donc manifestement, comme il ressort des tableaux en annexe établis par le Service des Travaux, possibilité d'appliquer l'article 153, 3º du statut du personnel pour absence non justifiée pendant plus de dix jours, à dater du 19 janvier et jusqu'au 11 février. Il est à remarquer que cette même attitude s'est prolongée du 15 février jusqu'au 24 mars (Selon les fiches établies jusqu'à cette date, bien au delà du courrier recommandé du 22/02/2000). L'infraction administrative étant ainsi caractérisée.

    Les conditions de l'article 153, 3º sont ici caractérisées. Vu le caractère persistant de l'absence et l'absence de réaction de l'intéressé au courrier lui adressé, il est proposé au Conseil, conformément à l'article 153, 3º du statut administratif de décider de démettre d'office de ses fonctions Monsieur Jean-Claude ROUSSEAU, sans préavis.

    Il n'est donc plus indispensable de recourir à une procédure de type disciplinaire, devant déboucher, vu la gravité des faits, sur une sanction disciplinaire de même nature (démission d'office).

    VIII - 3409 - 4/16

    Toutefois, aux termes de l'article 154 du statut administratif, la matière est réglée par les mêmes dispositions que la procédure disciplinaire conformément aux articles 299 à 306 de la Nouvelle Loi communale. Monsieur Jean-Claude ROUSSEAU devra donc être entendu par le Conseil avec les mêmes moyens de défense que dans le cas d'une procédure disciplinaire.

    La Ville citera comme témoins, le cas échéant, MM. Georget BLAIVIE, Directeur des Travaux, J. RUELLE, brigadier et PRIBILINEC, ouvrier".

  11. Le 11 avril 2000, Jean-Claude ROUSSEAU est convoqué à comparaître devant le conseil communal le 26 avril 2000. Il lui est reproché d'avoir abandonné son poste et d'être resté absent pendant plus de 10 jours sans motif valable.

  12. L'audition a bien lieu le 26 avril 2000. Le procès-verbal relate, notamment, ce qui suit: " ...

    A la question de savoir s'il reconnaît s'être absenté sans justification pendant plus de dix jours, Mr ROUSSEAU fait remarquer qu'une fois de plus, on s'attaque aux victimes et non aux responsables. J'ai été victime dit Mr ROUSSEAU de la hargne à mon égard du Directeur des travaux et du Docteur PIROTTE.

    ...

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  • Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 octobre 2012
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    ...de base en invoquant une absence injustifiée de dix jours; Que, par ailleurs, ainsi que l'a énoncé le Conseil d'État dans un arrêt n° 124.006 du 8 octobre 2003, l'agent n'est pas à même de juger si les faits allégués supra, si tant est qu'ils soient avérés, constituaient une cause d'excuse ......
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    ...de base en invoquant une absence injustifiée de dix jours; Que, par ailleurs, ainsi que l'a énoncé le Conseil d'État dans un arrêt n° 124.006 du 8 octobre 2003, l'agent n'est pas à même de juger si les faits allégués supra, si tant est qu'ils soient avérés, constituaient une cause d'excuse ......

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