Arrêt nº 117069 de Conseil du Contentieux des Etrangers - Ve Chambre, 16 janvier 2014

ConférencierB. Verdickt
Date de Résolution16 janvier 2014
SourceConseil du Contentieux des Etrangers - Ve Chambre
PaysSénégal

n° 117 069 du 16 janvier 201 dans l'affaire X / V

En cause : X

ayant élu domicile : X

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA Ve CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 3 septembre 2013 par X, qui déclare être de nationalité sénégalaise, contre l décision du Commissaire adjoint aux réfugiés et aux apatrides, prise le 6 août 2013. Vu l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement e l'éloignement des étrangers. Vu le dossier administratif. Vu l'ordonnance du 9 octobre 2013 convoquant les parties à l'audience du 13 novembre 2013. Entendu, en son rapport, B. VERDICKT, juge au contentieux des étrangers. Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me J.-M. KAREMERA, avocat, et K.

PORZIO, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse. APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L'ARRET SUIVANT :

1. L'acte attaqué Le recours est dirigé contre une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protectio subsidiaire, prise par le Commissaire adjoint aux réfugiés et aux apatrides, qui est motivée comme suit : «A. Faits invoqués

Selon vos déclarations, vous êtes né le 4 janvier 1982 à Dakar. Vous seriez célibataire et de confession musulmane. Vous auriez vécu à Dakar, où vous teniez un magasin d'appareils électroniques avec votre soeur.

A l'âge de 16 ans, vous auriez connu votre première relation sexuelle avec un homme. CCE X - Page 1 En mai 2008, vous auriez rencontré [L. G.]. Huit mois plus tard, vous auriez entamé une relatio amoureuse avec lui. En juillet 2012, un ami à vous homosexuel, qui discutait à l'extérieur de votre commerce, aurait été hué

par des passants, et se serait réfugié dans votre magasin. Depuis lors, vous seriez stigmatisé comm homosexuel par certains habitants de votre quartier. Le 8 octobre 2012, vous auriez reçu la visite dans votre magasin d'anciens et de religieux qui vous

auraient reproché de profaner le quartier avec votre musique à l'heure de la prière - vous organisie régulièrement des afterworks en soirée pour attirer des clients -. Le 20 octobre 2012, vous vous seriez rendu à une soirée avec [L.]. Celui-ci était saoul et vous appelai par des petits mots doux. Vous auriez alors essayé de le calmer et de le raisonner dans les toilettes.

Votre copain aurait été d'accord de se calmer, à condition que vous l'embrassiez, ce que vous auriez

fait. Les jours suivants, vous auriez remarqué que les gens du quartier et vos clients se comportaien différemment avec vous. Vous auriez aussi trouvé l'inscription 'PD' sur la porte de votre magasin. Vous

auriez alors demandé des explications à une cliente qui vous aurait informé qu'[A. D.] racontait dans l quartier qu'il vous avait vu embrasser un homme à une soirée. Le 17 novembre 2012, vous auriez reçu la visite de plusieurs hommes de votre quartier dans votr magasin, exigeant que vous arrêtiez votre tapage nocturne dans votre magasin. Ils vous auraient traité

d'homosexuel et vous auraient por té des coups. Un gendarme aurait aperçu la scène et les aurai sommé d'arrêter de vous frapper, prétextant que la police devait régler l'af faire. La police serait alor arrivée sur les lieux et vous aurait emmené au poste de police de La Medina, où vous auriez été

maintenu 48 heures en garde à vue. Vous auriez ensuite été déféré au tribunal régional de Dakar, où

vous seriez resté dans une cellule à la maison d'arrêt de Reubeus pendant une semaine. Le 26

novembre 2012, vous auriez été auditionné par le substitut du procureur. La veille, vous auriez reçu l visite du mari de votre soeur, commerçant influent à Dakar, qui vous aurait promis d'arranger l'affaire.

Faute de preuves, vous auriez été libéré le lendemain et auriez été informé que vous pourriez êtr reconvoqué à tout moment. A votre sortie, votre soeur vous aurait informé que des bruits couraient dans le quartier concernant votr homosexualité. Votre famille vous aurait aussi renié. Vous seriez alors parti dans une maison de votr copain à Mbour, où vous seriez resté deux semaines. Le 12 décembre 2012, vous auriez quitté Dakar en avion. Vous auriez voyagé avec un faux passeport.

Vous seriez arrivé en Belgique le 13 décembre 2012, et y avez demandé l'asile le même jour. [L.] serait resté vivre à Dakar. Depuis quelques mois, vous n'auriez plus de contact avec lui. B. Motivation

Après avoir analysé votre dossier, le Commissariat général n'est pas convaincu que vous avez quitté

votre pays en raison d'une crainte fondée de persécution au sens défini par la Convention de Genèv de 1951 ou en raison d'un risque réel d'encourir des atteintes graves telles que mentionnées dans la

définition de la protection subsidiaire. En effet, plusieurs éléments affectent sérieusement la crédibilité

de vos propos. Tout d'abord, il y a lieu de relever que vous n'apportez pas le moindre élément ou début de preuve

permettant d'attester et/ou de corroborer les faits que vous invoquez à l'appui de votre demande d'asile.

La charge de la preuve vous incombant (HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pou déterminer le statut de réfugié, Genève, 1979, §196), vous êtes pourtant tenu de tout mettre en oeuvr pour réunir les éléments de preuve qu'il vous serait possible d'obtenir, ce que vous n'avez ici nullement

fait. Dans la mesure où vous auriez été placé en garde à vue, que vous auriez été transféré au tribunal, qu vous auriez été détenu une semaine dans une maison d'arrêt, et puis que vous auriez été auditionné

par le procureur de Dakar (p.3,4 CGRA), le Commissariat général estime qu'il est en droit d'attendre, ne CCE X - Page 2 fût-ce qu'un début de preuve relatif à ces faits. A ce sujet, vous déclarez avoir signé un PV que vous

n'avez jamais reçu (p.4 CGRA) mais n'apportez aucune d'explication qui justifierait cette absence d documents. Si ce manque de preuve ne peut, à lui seul, empêcher une reconnaissance de la qualité de réfugié, cel suppose comme condition minimale que vos récits soient circonstanciés,cohérents et plausibles, ce qu n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, il n'est pas crédible que vous ayez été emmené seul à la police et que vous ayez ensuite été

déféré et détenu une semaine, alors que vos agresseurs, eux, n'auraient jamais été emmenés ou

interrogés par les autorités. Vous déclarez pourtant que la police se serait rendue dans votre magasin à

cause d'une bagarre provoquée par vos agresseurs (p.4, CGRA). Egalement, que vous soyez déféré devant le procureur parce que vous êtes accusé d'homosexualité

(p.4, CGRA), alors que ces accusations ne se baseraient que sur des rumeurs dans le quartier, manqu totalement de vraisemblance. Rappelons à ce propos que l'article 319 du code pénal sénégalais

condamne à des peines de prison et à des amendes les actes homosexuels, mais que l'orientation

homosexuelle n'est pas punissable en tant que telle. La loi implique donc que l'auteur soit pris en

flagrant délit pour que l'article 319 puisse s'appliquer (cfr: Subject Related Briefing dans votre dossier

administratif - p.5), ce qui ne fut nullement le cas vous concernant. A ce sujet, vous déclarez d'ailleurs que le seul fait d'être homosexuel est condamnable (p.8, CGRA), ce

qui ne correspond pas à la loi. Or, cette erreur de votre part au sujet des dispositions légales prévues pour l'homosexualité, alors que

vous auriez été arrêté pour ce même motif, nous empêche d'accorder foi aux problèmes allégués. Ensuite, vous déclarez que ces rumeurs dans le quartier sont nées d'un baiser que vous avez donné à

votre copain lors d'une soirée. A ce sujet, nous constatons encore que vos propos manquent de vraisemblance puisqu'il parraît tout à

fait invraisemblable dans le contexte homophobe que vous décrivez au Sénégal, que vous ayez pris l risque d'embrasser votre ami pendant dix secondes dans une toilette extérieure, alors que la fête battai son plein et que tout le monde pouvait vous apercevoir par le dessus de la porte de ces toilettes (p.6,

CGRA). Cette imprudence jette davantage le doute sur réalité des problèmes, d'autant que vous

déclarez qu' habituellement, vous ne vous emb rassiez jamais en public (p.8 CGRA). Par cette action,

vous vous exposiez à des risques inconsidérés, puisque n'importe qui aurait pu vous voir vous

embrasser. Ce comportement ne correspond pas à l'attitude d'une personne qui, se sentant persécutée

du fait de son orientation sexuelle, craint pour sa vie. En outre, vos déclarations concernant votre petit copain nous empêchent encore de croire à vo problèmes. Ainsi, alors que vous avez pris la décision de quitter le Sénégal, vous déclarez que [L.]

serait resté chez lui suite à vos problèmes et qu'il continue à vivre normalement (p.2,5,11 CGRA). Or,

dans la mesure où vous auriez été déféré au tribunal, il y a de fortes chances que votre entourage e votre quartier soit au courant de votre relation avec [L.], et que celui-ci connaisse à son tour des ennuis.

Vos explications selon lesquelles [L.]n'aurait jamais connu de problèmes avec les autorités, que vous n l'auriez jamais dénoncé à la police, ou encore qu'il n'était pas très connu dans le quartier (p.5,1 CGRA), ne sont guère convaincantes. Pour le surplus, nous relevons des divergences entre vos déclarations à l'Office des Etrangers - lors d l'introduction de votre demande d'asile - et ce que vous avez déclaré devant nos services. Ainsi, vou déclarez dans le questionnaire rempli à l'OE avoir été insulté, ignoré et menacé de mort par vos

codétenus (cfr questionnaire CGRA - question 8). Or, à aucun moment dans votre audition, vous n mentionnez des menaces de la part de vos codétenus, alors que vous expliquez en détails le genre d relation que vous avez eue avec eux dans votre cellule. Vous déclarez être resté dans votre coin, e ignorer s'ils étaient au courant du motif de votre détention (p.10 CGRA). Vous ajoutez : « on parlait des

conditions de vie, de...

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