Arrêt nº 55072 de Conseil du Contentieux des Etrangers - IIIe Chambre, 28 janvier 2011

ConférencierP. Vandercam
Date de Résolution28 janvier 2011
SourceConseil du Contentieux des Etrangers - IIIe Chambre
PaysCamerounaise

n° 55 072 du 28 janvier 2011

dans l’affaire 52 674 / III

En cause:

x

Ayant élu domicile:

x

contre:

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRESIDENT DE LA IIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 14 avril 2010 par x, qui déclare être de nationalité camerounaise, contre la décision du Commissaire adjoint aux réfugiés et aux apatrides prise le 12 mars 2010.

Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Vu le dossier administratif et la note d’observations.

Vu l’ordonnance du 13 décembre 2010 convoquant les parties à l’audience du 17 janvier 2011.

Entendu, en son rapport, P. VANDERCAM, président de chambre.

Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me Y. MALOLO loco Me G. MUNDERE CIKONZA, avocat, et R. ABOU, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.

APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT:

  1. L’acte attaqué

    Le recours est dirigé contre une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire, qui est motivée comme suit:

    A. Faits invoqués

    Selon vos déclarations, vous êtes de nationalité camerounaise, d’origine ethnique bamiléké, né le 12 septembre 1971 à Douala, catholique, en concubinage et père de trois enfants. Vous êtes membre du parti politique « Social Democratic Front » (SDF) et de l’ONG « Association Camerounaise des Droits des Jeunes » (ACDJ). Vous affirmez avoir quitté le Cameroun le 16 mai 2009 et être arrivé en Belgique le lendemain. Vous avez introduit une demande d’asile auprès des autorités belges en date du 19 mai 2009.

    Vous invoquez les faits suivants à l’appui de votre requête.

    Vous êtes commerçant et tenez une boutique de détail sur le marché « Grand Hangar » à Bonabéri, un quartier de Douala. Le 26 février 2008, vous ouvrez votre magasin comme à votre habitude malgré la présence de manifestants et d’émeutiers dans les rues de la capitale économique du pays. Dans la matinée, les forces de l’ordre interviennent à proximité du marché et sèment la panique parmi les manifestants et les badauds. Vous décidez de fermer votre boutique pour éviter de la voir saccagée lorsque vous êtes arrêté par des hommes armés qui vous dépouillent et vous rouent de coups. Votre petit cousin, [J.B.] qui vous assiste dans votre commerce parvient à prendre la fuite. Vous êtes emmené en véhicule dans un camp où vous continuez à subir des sévices de la part des forces de l’ordre. Vous êtes torturé et interrogé sur les personnes qui vous auraient envoyé manifester. Vous niez et maintenez qu’il s’agit d’un malentendu, que vous n’êtes qu’un simple commerçant. Vous êtes malgré tout jeté en prison, à New Bell. Vu votre état physique, vous êtes emmené à l’hôpital Laquintinie de Douala où vous êtes soigné avant d’être ramené en prison. Vous restez détenu jusqu’au 29 juin 2008, date à laquelle vous parvenez à vous évader en profitant du chaos engendré par une mutinerie. Vous vous rendez chez un ami d’enfance qui vous héberge pendant deux semaines. Après vous avoir soigné, votre ami organise votre séjour chez différentes connaissances où vous vous rendez en alternance. Vous êtes recherché par les autorités et décidez donc, en mai 2009, de quitter votre pays. Votre compagne et vos enfants vivent également cachés au Cameroun car elle a été convoquée à plusieurs reprises par les autorités à votre recherche.

    B. Motivation

    Après avoir analysé votre dossier, le Commissariat général n’est pas convaincu que vous avez quitté votre pays en raison d’une crainte fondée de persécution au sens défini par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ou en raison d’un risque réel d’encourir des atteintes graves tel que prescrit par l’article 48/4 de la Loi du 15 décembre 1980 relatif à la protection subsidiaire.

    D’emblée, il faut relever que vous ne fournissez aucun document d'identité ; ainsi vous mettez le Commissariat général dans l’incapacité d’établir deux éléments essentiels à l'examen de votre demande de la reconnaissance de la qualité de réfugié, à savoir votre identification personnelle et votre rattachement à un Etat.

    Ensuite, il faut relever le manque de consistance de vos déclarations concernant les événements du 25 et du 26 février 2008 à Douala qui ne reflète pas le sentiment de faits vécus dans votre chef et qui présente des divergences majeures avec les informations objectives à notre disposition et dont copie est versée au dossier (voir recherche CEDOCA, TC2009-091w). Partant, la crainte que vous invoquez à l’appui de votre requête, qui se fonde essentiellement sur votre arrestation dans le cadre des émeutes de février 2008, n’est pas établie. En effet, vous ne savez dans un premier temps pas préciser le jour de la semaine qui correspond à votre arrestation à savoir le 26 février 2008, vous hésitez entre le lundi et le mardi (CGRA 8.10.09, p. 15 et 16). Invité à plus de précision, vous vous référez d’abord aux informations glanées sur internet et non pas à votre mémoire des événements tels que vous affirmez les avoir vécus. Vous parvenez après réflexion à associer le 26 février 2008, jour de votre arrestation, au mardi. Vous précisez alors que la situation était « calme » à Bonabéri les dimanche 24 et lundi 25 février 2008, jours qui précèdent votre arrestation (idem, p. 16). Vous stipulez ainsi avoir été à la messe le dimanche et avoir effectué des courses en gros le lundi afin d’approvisionner votre magasin. En effet, les lundis sont votre jour de fermeture et vous profitez généralement de ce temps libre pour vous rendre au marché Mbopi situé au-delà du fleuve Wouri à bonne distance de votre boutique. Ainsi, vous dites traverser le pont qui enjambe le cours d’eau et vous rendre, le lundi 25 février 2008 vers 9h ou 9h30, au marché de Mbopi où vous achetez cinq sacs de riz et trois caisses de savon. Vous louez les services d’un transporteur qui vous conduit dans sa voiture jusqu’à votre boutique où vous rangez la marchandise achetée. Vous précisez que la transaction ainsi que le transport de la marchandise se sont déroulés « normalement, comme habituellement » (idem, p. 16). Vous rentrez ensuite chez vous vous reposer (idem, p. 16 et 17). Vous ne remarquez absolument rien de particulier ce matin du 25 février 2008 dans les différents lieux de la ville de Douala que vous traversez (« rien du tout », idem, p. 17). Le lendemain, 26 février 2008, vous quittez votre domicile vers 6h du matin et rejoignez votre boutique à pieds. Tout au long du trajet qui dure environ trois quart d’heure, vous observez des attroupements, des jeunes qui montent des barricades sur les routes, enflamment des pneus, hurlent et agitent des pancartes (idem, p. 17). Vous arrivez à votre boutique comme à votre accoutumée et êtes rejoint par un cousin qui vous assiste dans votre travail. Vous ouvrez votre commerce et servez des clients comme d’habitude (idem, p. 14). La matinée se déroule de façon normale (ibidem) jusqu’à l’intervention des forces de l’ordre et votre arrestation.

    Cette description des faits nest en aucune manière crédible dans la mesure où il ressort des informations objectives à notre disposition (voir la recherche CEDOCA TC2009-091w et, en particulier, le rapport de lObservatoire National des Droits de lHomme, Une répression sanglante à huis clos) que la grève générale annoncée pour le 25 février est massivement suivie ce jour : labsence des transports entraîne la fermeture de la majorité des services et des commerces, de nombreux jeunes envahissent les quartiers pour exprimer leur mécontentement, obligent les quelques magasins encore ouverts à fermer et de nombreux pillages sont signalés. A Bonabéri, votre quartier, des escarmouches sont signalées dès le matin entre bandes de jeunes et forces de sécurité. Les commerces et différentes écoles sont fermées, les stations essence Texaco et Total sont détruites. Des coups de feu sont entendus au marché Grand Hangar où vous avez votre boutique et le pont sur le Wouri est bloqué par des manifestants. Notons le témoignage repris dans le rapport susmentionné qui indique à propos de Douala le 25 février : « les manifestations se transforment en véritables émeutes urbaines. [...] A Bonabéri, une vingtaine de gendarmes sont séquestrés, tabassés et délestés de leur uniforme. Des renforts militaires sont envoyés de Yaoundé et de Koutaba afin dappuyer les policiers et gendarmes sur le terrain. [...] La ville de Douala est alors bouclée et quadrillée par les forces de lordre, dont des troupes délite de combats, qui nhésitent pas à tirer sur les personnes qui se trouvent à proximité des lieux où il y a eu des pillages ou des actes de vandalisme » (p.11). Dans la nuit du 25 au 26 février, des affrontements et des pillages sont encore signalés à Bonabéri. Durant la journée du 26, Bonabéri et en...

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