Le permis d'urbanisme

AuteurMichel Delnoy
Occupation de l'auteurAvocat, Assistant à l'Université de Liège
Pages155-232

Page 155

Attention

Nul n'ignore que, du fait du décret du 27 novembre 1997 entré en vigueur le 1er mars 1998, l'appellation « permis de bâtir» a fait place à celle de «permis d'urbanisme». En effet, la liste des actes et travaux soumis à ce permis était devenue tellement importante qu'elle visait des actes très éloignés de l'acte de «bâtir». Il fallait donc que l'appellation du permis reflète mieux son champ d'application.

Attention

Les pages qui suivent sont exclusivement consacrées au permis d'urbanisme. Elles ne visent pas les spécificités qui doivent éventuellement être relevées lorsqu'un permis d'environnement est également requis pour la réalisation d'un projet et que la procédure du permis unique doit être mise en oeuvre279.

1. Les actes et travaux soumis à permis d'urbanisme
a Les actes et travaux soumis à permis d'urbanisme par l'art.84, §1er

Pour l'essentiel, les actes et travaux soumis à permis d'urbanisme préalable sont repris à l'art.84, §1er, du CWATUP. La liste est celle décrite ci-après. Cela étant, pour savoir si un acte est soumis à permis d'urbanisme, il est indispensable de consulter également, d'une part, le contenu des règlements d'urbanisme et, d'autre part et surtout, la liste des actes et travaux dispensés de permis280.

Conseil

Comme toujours, un texte de loi est incapable de viser toutes les situations particulières qui se présentent et il doit nécessairement faire l'objet d'une interprétation. La question est alors de savoir s'il y a lieu d'interpréter lePage 156texte largement, en ayant notamment égard à son esprit, ou strictement, en se bornant à sa lettre.

A cet égard, on peut rappeler ici que l'obligation d'obtenir un permis d'urbanisme préalable aux actes et travaux ci-après énumérés constitue sans conteste une importante limitation au droit de propriété ainsi qu'à la liberté de commerce et d'industrie . Il s'agit d'une mesure dite, en droit, «de police administrative». Or, en principe, les dispositions de police administrative sont interprétées strictement : toute atteinte aux libertés individuelles protégées par la Constitution doit trouver sans discussion sa source dans un texte.

D'un autre côté, on est contraint de remarquer que les auteurs de la loi organique de 1962 et de celle du 22 décembre 1970 qui l'a profondément modifiée ont ouvertement exprimé dans les travaux préparatoires de ces lois leur intention de donner à la liste des actes et travaux soumis à permis une portée large281.

Avis

Si l'ensemble de la jurisprudence n'est pas unanime sur la réponse à apporter à cette question, il reste que le Conseil d'Etat semble favorable à l'interprétation large du champ d'application du permis d'urbanisme. Pour éviter la mise en oeuvre du régime des sanctions d'urbanisme, il est donc préférable d'être prudent: en cas de doute quant à savoir si un acte rentre ou non dans la liste ci-dessous, il est préférable de solliciter un permis ou, à tout le moins, de se renseigner auprès de professionnels compétents ou de l'autorité elle-même, en s'en réservant une preuve282.

On verra ci-après un second principe d'interprétation de la liste qui suit283.

1) Construire ou placer une installation fixe (v l'art.84, §1er, 1°, du CWATUP)

Une fois n'est pas coutume, le texte donne une définition des termes qu'il utilise: par «construire ou placer des installations fixes», on entend le fait d'ériger un bâtiment ou un ouvrage, ou de placer une installation, même enPage 157matériaux non durables, qui est incorporé au sol, ancré à celui-ci ou dont l'appui assure la stabilité, destiné à rester en place alors même qu'il peut être démonté ou déplacé.

Les travaux préparatoires de la loi de 1970 ayant modifié la loi organique de 1962 définissent le «bâtiment» comme étant la construction servant au logement de l'homme, de l'animal ou des choses, l' «ouvrage» comme étant la construction non destinée au logement, placée et produite sur place par l'ouvrier, comme un mur ou un pont, et non amené sur place entièrement préfabriqué, et l'«installation» comme étant l'objet placé à l'endroit où il doit rester mais qui n'y est pas produit, comme une pompe à essence, une palissade ou un abri préfabriqué.

Le principal critère d'application de l'art.84, §1er, 1°, du CWATUP est la destination de l'installation à rester sur place. Peu importent les caractéristiques intrinsèques du bien. Le rapport avec le sol importe également peu puisqu'il correspond à l'incorporation du bien au sol, son ancrage au sol ou l'appui qu'il y prend. Or, la plupart des biens à propos desquels on peut se demander s'ils constituent ou non des constructions ou des installations fixes prennent à tout le moins appui sur le sol.

En pratique, les contestations les plus fréquentes se produisent à propos d'installations qui prennent appui sur le sol mais qui présentent un caractère mobile plus ou moins prononcé: doivent-elles être considérées comme destinées à rester en place ? Il revient in fine au juge de répondre à cette question. Il utilise pour ce faire une série d'indices qui caractérisent l'installation dont il a à connaître. La jurisprudence est sur ce point assez fournie. On peut notamment en retirer que : - le caractère malaisé du démontage de l'installation est en principe indifférent mais il arrive que le juge le prenne en compte pour se convaincre que l'installation est effectivement destinée à rester en place;

- ce n'est pas parce que l'installation repose sur des roues qu'elle n'est pas destinée à rester en place;

- le fait que l'installation soit raccordée à l'eau courante, à l'électricité et au réseau d'évacuation des eaux usées constitue un indice important de sa destination à rester en place (exemple: une caravane ou un petit bungalow);

- le fait de reposer, en sus des quatre roues, sur des blocs de béton qui assurent la stabilité peut être révélateur de la destination à rester en place (exemple: une caravane friterie);Page 158- une publicité conçue par le gestionnaire des installations peut également révéler son intention de les maintenir en place;

- un revêtement en béton, une installation de pompage, une voie ferrée, des travaux d'égouttage constituent des travaux relevant du champ d'application de l'art.84, §1er, 1°, du CWATUP;

Attention

On remarquera qu'il a par contre déjà été jugé que le simple aménagement d'un chemin empierré et d'une dalle en béton ne rentre pas dans la notion d'installation fixe. On le voit, tout est avant tout affaire de circonstances particulières. Il revient au juge d'apprécier ces circonstances au cas par cas. Cet exemple prouve une fois encore que, en droit de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, il y a souvent place pour la plaidoirie et l'argumentation.

- le renforcement d'un chemin de terre par un apport de gravier sans modification du relief du...

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