Extrait de l'arrêt n° 108/2016 du 14 juillet 2016 Numéro du rôle : 6045 En cause : le recours en annulation de la loi du 18 mars 2014 relative à la gestion de l'information policière et modifiant la

Extrait de l'arrêt n° 108/2016 du 14 juillet 2016

Numéro du rôle : 6045

En cause : le recours en annulation de la loi du 18 mars 2014 relative à la gestion de l'information policière et modifiant la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et le Code d'instruction criminelle, introduit par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » et l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme ».

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge A. Alen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet du recours et procédure

    Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 septembre 2014 et parvenue au greffe le 30 septembre 2014, un recours en annulation de la loi du 18 mars 2014 relative à la gestion de l'information policière et modifiant la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et le Code d'instruction criminelle (publiée au Moniteur belge du 28 mars 2014, deuxième édition) a été introduit par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » et l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », assistées et représentées par Me J. Vander Velpen, avocat au barreau d'Anvers.

    (...)

  2. En droit

    (...)

    Quant au contexte de la loi attaquée

    B.1.1. La loi du 18 mars 2014 « relative à la gestion de l'information policière et modifiant la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et le Code d'instruction criminelle » (ci-après : la loi attaquée) règle la gestion de l'information policière et remplace notamment les articles 44/1 à 44/11 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police (ci-après : la loi sur la fonction de police), tels qu'ils avaient été insérés par la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, et insère les articles 36ter et 36ter/14 dans la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel (ci-après : la loi sur la protection de la vie privée).

    B.1.2. Certaines des dispositions que la loi attaquée insère dans la loi sur la fonction de police et dans la loi sur la protection de la vie privée ont été ultérieurement complétées ou modifiées par la loi du 26 mars 2014 « portant mesures d'optimalisation des services de police », par la loi du 15 mai 2014 « modifiant la loi du 9 décembre 2004 sur l'entraide judiciaire internationale en matière pénale et modifiant l'article 90ter du Code d'instruction criminelle et modifiant la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police », par la loi du 23 août 2015 « visant à modifier la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard du traitement des données à caractère personnel en ce qui concerne l'Organe de contrôle de l'information policière », par la loi du 21 avril 2016 « portant des dispositions diverses Intérieur. - Police intégrée » et par la loi du 27 avril 2016 « relative à des mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme ».

    Ces modifications ne font pas l'objet du recours introduit en l'espèce et n'ont pas davantage d'incidence sur la portée de ce recours. Pour cette raison, il n'est pas tenu compte de ces modifications dans la suite du présent arrêt.

    B.2.1. En ce qui concerne les buts poursuivis, il est dit dans les travaux préparatoires de la loi attaquée :

    Dans la foulée de la réforme des services de police, il est apparu de plus en plus clairement que la gestion de l'information policière opérationnelle constitue la colonne vertébrale qui sous-tend l'accomplissement des missions de police 100 et judiciaire. C'est dans cette optique que différents organes (les Carrefours d'information d'arrondissement, les Centres d'information et de communication, la direction de l'information policière opérationnelle de la police fédérale,...) et banques de données policières (la B.N.G., le système de communication ASTRID,...) essentiels à la circulation optimale de l'information policière ont été mis en place.

    Cette gestion des informations policières opérationnelles est cruciale puisque ce sont celles-ci qui doivent guider la prise de décision des autorités (plans nationaux de sécurité, plans zonaux de sécurité) et les interventions des services de police (information led policing).

    Au mieux elles sont structurées, analysées et disponibles, au plus les décisions stratégiques et les interventions des services de police seront idoines, efficaces et efficientes.

    Suite à diverses évolutions législatives et jurisprudentielles tant belges qu'européennes (voir par exemple l'arrêt ROTARU c/ Roumanie de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 mai 2000 ou plus récemment, l'affaire Shimovolos c/Russie du 28 novembre 2011) visant à rendre prévisibles, pour tout un chacun, les intrusions de l'autorité dans la vie privée des individus et à délimiter clairement les conditions d'immixtion de celle-ci dans la sphère privée des individus, il était apparu utile de préciser la portée de certaines dispositions de la loi sur la fonction de police (LFP) relatives à la gestion de l'information.

    Vu l'article 22 de la Constitution, il a été décidé de régler par la loi, les aspects fondamentaux du traitement de données à caractère personnel par les services de police dans le cadre de l'exécution de leurs missions de police administrative et judiciaire.

    Cet avant-projet de loi a dès lors pour objectif d'apporter plus de transparence et de prévisibilité requises quant aux modalités de traitement des données et informations policières opérationnelles.

    Si les articles 44/1 et suivants de la loi actuelle portaient essentiellement sur la nécessité de partager des données et informations à travers la Banque de données Nationale Générale, ce qui constitue une étape cruciale du cycle de l'information, le présent avant-projet veut cependant couvrir toutes les étapes du cycle de l'information qui sous-tendent l'exercice des missions de police administrative et de police judiciaire et traite dès lors de l'ensemble des banques de données policières opérationnelles nécessaires pour accomplir ces missions

    (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3105/001, pp. 4-5).

    Le cadre législatif actuel est incomplet. Les articles sur la gestion de l'information ont été introduits dans la loi sur la fonction de police lors de la réforme de la police de 1998, suite à l'affaire Dutroux. Il n'y a pas eu de modification importante depuis. Or les articles concernés ne contiennent que les principes généraux relatifs à la gestion de l'information policière. La mise en oeuvre de ces principes est actuellement réglée dans une simple circulaire ministérielle.

    Cette situation n'est pas saine vu l'impact du traitement policier des données sur la vie privée des individus. Ce n'est pas non plus rassurant pour la police qui doit travailler dans un cadre trop vague et trop fragile : la police elle-même est donc en attente de cette réforme et de la sécurité juridique qu'elle entraînera

    (Doc. parl., Chambre, 2013-2014, DOC 53-3105/003, pp. 3-4).

    B.2.2. Il ressort de ceci que le législateur, constatant que la gestion de l'information policière n'était que partiellement réglée par la loi, a voulu conférer une base légale plus large à l'ensemble du traitement des données policières, et ceci tant en vue de garantir le droit au respect de la vie privée des personnes dont les données font l'objet d'un traitement policier qu'en vue d'augmenter l'efficacité et la sécurité juridique des services de police.

    B.3.1. En vertu de l'article 44/1, § 1er, de la loi sur la fonction de police, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi attaquée, les services de police peuvent, dans le cadre de l'exercice de leurs missions, traiter des informations et des données à caractère personnel « pour autant que ces dernières présentent un caractère adéquat, pertinent et non excessif au regard des finalités de police administrative et de police judiciaire pour lesquelles elles sont obtenues et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ». Pour certaines catégories de données à caractère personnel, des conditions particulières sont d'application (article 44/1, § 2, de la loi sur la fonction de police).

    En vertu de l'article 44/3, § 1er, de la loi sur la fonction de police, tel qu'il a été inséré par l'article 9 de la loi attaquée, le traitement des données à caractère personnel se fait conformément à la loi sur la protection de la vie privée.

    B.3.2. Lorsque l'exercice des missions de police administrative et de police judiciaire nécessite que les services de police structurent les données à caractère personnel et les informations de sorte qu'elles puissent être directement retrouvées, celles-ci sont traitées dans une banque de données policière opérationnelle (article 44/2, alinéa 1er, de la loi sur la fonction de police, tel qu'il a été inséré par l'article 7 de la loi attaquée). La loi attaquée prévoit trois catégories de banques de données policières opérationnelles : (1) la banque de données nationale générale (ci-après : B.N.G.), (2) les banques de données de base et (3) les banques de données particulières (article 44/2, alinéa 2).

    En vertu de l'article 44/7 de la loi sur la fonction de police, tel qu'il a été inséré par l'article 16 de la loi attaquée, la B.N.G. est la banque de données policière qui contient les données et les informations dont l'ensemble des services de police ont besoin pour exercer leurs missions...

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