Décision judiciaire de Conseil d'État, 25 juin 2008

Date de Résolution25 juin 2008
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 184.745 du 25 juin 2008 G./A.167.676/VI-17.704

En cause : 1. la société de droit italien FLORILEGIO, 2. FRANCK Franz, 3. HORWOOD Emmanuel, 4. KAZELOWSY Bernard,

ayant élu domicile chez

Mes Luc MISSON et Xavier CLOSE, avocats, rue de Pitteurs, no 41, 4020 Liège,

contre :

l’Etat belge, représenté par le Vice-Premier

Ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique,

ayant élu domicile chez

Me Jean-François DE BOCK, avocat, chaussée de Waterloo, nº 612, 1050 Bruxelles.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VI e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 10 novembre 2005 par la société de droit italien FLORILEGIO, Franz FRANCK, Emmanuel HORWOOD et Bernard KAZELOWSY qui demandent l'annulation de l’arrêté royal du 2 septembre 2005 visant à garantir le bien-être des animaux utilisés dans les cirques ou les expositions itinérantes pour l’amusement du public, publié au Moniteur belge du 12 septembre 2005;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. GILLIAUX, Premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

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Vu l'ordonnance du 16 mai 2008, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 11 juin 2008;

Entendu, en son rapport, M. LEWALLE, Conseiller d'Etat;

Entendu, en ses observations, Me Xavier CLOSE, avocat, comparaissant pour les parties requérantes;

Entendu, en son avis conforme, M. GILLIAUX, Premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

I. EXPOSE DES ÉLÉMENTS DE DROIT ET DE FAIT.

Considérant que les éléments de droit et de fait utiles à l’examen de la requête sont les suivants :

A - Cadre juridique communautaire

  1. L’article 43 du traité instituant la Communauté européenne régit la liberté d’établissement. Il dispose notamment en ces termes :

    " [...] Les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.

    La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.".

  2. L’article 49 du même traité CE introduit le chapitre consacré à la libre prestation des services. Il prévoit notamment ce qui suit :

    " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation [...]".

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    3. La directive 91/628/CEE du Conseil du 19 novembre 1991 modifiant les directives 90/425/CEE et 91/496/CEE est relative à la protection des animaux en cours de transport.

    Une annexe à la directive fixe notamment les conditions de transport requises pour chaque catégorie d’animaux concernés.

    B – Cadre juridique national

  3. L’article 3 bis, paragraphe 1er, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux interdit de détenir des animaux n'appartenant pas aux espèces ou aux catégories mentionnées sur une liste établie par le Roi.

    Un arrêté royal du 7 décembre 2001 fixant la liste des animaux qui peuvent être détenus a mis en oeuvre cette disposition. En vertu de son annexe I, les chiens, chats, furets, chevaux, ânes, cochons, lamas, boeufs, lapins et souris épineuses notamment, peuvent ainsi être détenus.

  4. L’article 3 bis, § 2, de la loi susmentionnée dispose ensuite que, par dérogation au paragraphe 1er, des animaux d'espèces ou de catégories autres que celles désignées par le Roi peuvent être détenus :

    1/ dans des parcs zoologiques;

    2/ dans des laboratoires;

    3/ [...] par des particuliers [...];

    4/ par des vétérinaires;

    5/ par des refuges pour animaux;

    6/ par des établissements commerciaux pour animaux [...];

    7/ dans des cirques ou dans des expositions itinérantes.

  5. Néanmoins, l’article 3 bis, § 3, de la même loi prévoit que :

    " Sans préjudice des dérogations prévues au [paragraphe] 2, le Roi peut interdire à certaines des personnes physiques ou morales énumérées au [paragraphe] 2, la détention d'animaux d'autres espèces ou de catégories qu'il désigne".

  6. Aux termes de l’article 4 de la loi du 14 août 1986, précitée :

    " § 1. Toute personne qui détient un animal, qui en prend soin ou doit en prendre soin, doit prendre les mesures nécessaires afin de procurer à l'animal une alimentation, des soins et un logement qui conviennent à sa nature, à ses besoins physiologiques et

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    éthologiques, à son état de santé et à son degré de développement, d'adaptation ou de domestication. § 2. Aucune personne qui détient un animal, en prend soin, ou doit en prendre soin, ne peut entraver sa liberté de mouvement au point de l'exposer à des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables.

    Un animal habituellement ou continuellement attaché ou enfermé doit pouvoir disposer de suffisamment d'espace et de mobilité, conformément à des besoins physiologiques et éthologiques. § 3. L'éclairage, la température, le degré d'humidité, la ventilation, la circulation d'air et les autres conditions ambiantes du logement des animaux doivent être conformes aux besoins physiologiques et éthologiques de l'espèce. § 4. En exécution des §§ 2 et 3 et sans préjudice des dispositions du chapitre VIII, le Roi peut arrêter des règles complémentaires pour les différentes espèces et catégories d'animaux.[...]".

  7. L’article 6 de la loi du 14 août 1986 précitée dispose en ces termes :

    " § 1. Le Roi peut, selon les catégories et les espèces d'animaux exposés, prescrire des mesures pour assurer leur bien-être pendant les expositions. § 2. Le Roi peut prescrire des mesures visant à assurer le bien-être des animaux utilisés pour distraire le public dans les cirques, expositions itinérantes, fêtes foraines, concours et en d'autres circonstances. Il peut en outre imposer des conditions de compétence aux personnes qui détiennent ou soignent les animaux visés. § 3. Il peut déterminer les règles selon lesquelles les organisateurs et leurs préposés, ainsi que les personnes désignées par le ministre qui a le bien-être des animaux dans ses attributions, collaborent avec les agents de l'autorité qu'il désigne dans le but d'organiser le contrôle de ces concours, notamment pour ce qui est des mesures visées au § 2 [...]".

    C - Circonstances de la cause

  8. Le 20 juillet 2004, le Roi a adopté un arrêté portant interdiction de certaines espèces dans des cirques et expositions itinérantes. Le Conseil d’État en a suspendu l’exécution par un arrêt nº 134.194 du 3 août 2004. À la suite de cette suspension, l’arrêté royal précité a été abrogé par un arrêté royal du 19 avril 2005.

  9. Le 2 septembre 2005, le Roi a adopté un nouvel arrêté visant à garantir le bien-être des animaux utilisés dans les cirques ou les expositions itinérantes pour l’amusement du public.

    Il s’agit de l’arrêté attaqué. Il a été publié au Moniteur belge du 12 septembre 2005.

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    11. Selon l’article 2 de l’arrêté royal attaqué, l’utilisation des animaux pour l'amusement du public dans les cirques ou les expositions itinérantes est subordonnée aux conditions qu’il fixe.

    Aux termes de ses articles 3 et 5 :

    " Art. 3. Seuls les animaux nés en captivité peuvent être utilisés par un cirque ou une exposition itinérante.

    [...]

    Art. 5. § 1er. Les cirques ou les expositions itinérantes qui utilisent des animaux qui n'appartiennent pas aux espèces figurant sur la liste A doivent se limiter à 32 emplacements par an. § 2. Les animaux qui sont utilisés dans les cirques et les expositions itinérantes doivent être détenus au moins 3 jours consécutifs au même emplacement pour les représentations et les expositions.

    [...]".

    La liste A figure à l’annexe VI de l’arrêté attaqué. Y sont énumérées des espèces d’animaux qualifiés de "domestiques", comme les oies, les canards, les bovins, les dromadaires, les chameaux, les chiens, les pigeons, les ânes, les chevaux, les furets, les lapins et les porcs.

    L’arrêté royal attaqué prévoit encore ce qui suit :

    " Art. 6. Le contact physique direct entre les animaux appartenant aux espèces qui ne figurent pas sur la liste A et le public dans ou en dehors de la piste n'est pas autorisé. Une barrière de sécurité doit être disposée entre le public et ces animaux. Pour les animaux appartenant aux espèces qui figurent sur la liste A, le contact physique direct ne peut être autorisé que durant des périodes limitées, sous le contrôle direct du personnel du cirque ou de l'exposition itinérante, et à condition qu'il ne soit pas porté préjudice au bien-être des animaux.

    Art. 7. Les animaux ne peuvent présenter que des tours qui font exclusivement appel au comportement naturel des animaux, et d'une façon qui ne peut donner lieu à aucun comportement ou acte qui va à l'encontre de leur nature ni être le résultat de violence physique.

    Le Ministre peut fixer des prescriptions supplémentaires pour les tours et le dressage des animaux.

    Art. 8. § 1er. Les animaux qui sont utilisés pour l'amusement du public par un cirque ou une exposition itinérante, ne peuvent être utilisés pour les représentations, expositions ou toute autre mise en scène qu'à l'emplacement du cirque ou de l'exposition itinérante et ce conformément aux dispositions du présent arrêté. § 2. Seuls les...

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