Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 février 2008

Date de Résolution14 février 2008
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 179.590 du 14 février 2008 A. 86.533/VIII-1541

En cause : AQUESBI Mohamed Rachid, ayant élu domicile chez Me Philippe LEVERT, avocat, avenue Louise 149/22 1050 Bruxelles,

contre :

la Société nationale des Chemins de fer belges (S.N.C.B.), ayant élu domicile chez Me Philippe GERARD, avocat à la Cour de Cassation, avenue Louise 523 1050 Bruxelles.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VIII e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 4 septembre 1999 par Mohamed Rachid AQUESBI, qui demande l'annulation de "la décision du 7 juillet 1999 du Comité de direction de la Société nationale des Chemins de fer belge, notifiée le 9 juillet 1999, déclarant non fondé le recours formé par le requérant le 23 avril 1993 contre l'attribution de la mention signalétique insuffisant pour le deuxième semestre de l'année 1992";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. JOASSART, auditeur au Conseil d'Etat;

VIII - 1541- 1/25

Vu l'ordonnance du 6 décembre 2006 ordonnant le dépôt au greffe du dossier et du rapport;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 5 mars 2007, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 27 avril 2007;

Vu la lettre du 26 avril 2007 remettant l'affaire à l'audience publique du 25 mai 2007;

Entendu, en son rapport, Mme DAURMONT, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me LEVERT, avocat, comparaissant pour le requérant, et Me PIRE, loco Me GERARD, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. JOASSART, auditeur au Conseil d'Etat;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les éléments utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est ingénieur industriel à la S.N.C.B.

  2. Le 18 février 1992, le chef de division et supérieur hiérarchique du requérant introduit une proposition de déplacement par mesure d'ordre aux motifs que la gestion de ses dossiers laisse à désirer, que l'entente avec ses collègues est médiocre et qu'il ne montre pas d'intérêt pour ses fonctions. Il estime "qu'un éloignement des services du District Centre s'indique afin de lui donner une dernière chance de se faire valoir ailleurs".

  3. Le 27 février 1992, le requérant demande à être entendu par le conseil d'appel et écrit une note de justification.

    VIII - 1541- 2/25

    4. Le 28 février 1992, le chef immédiat note qu'il n'a pas de remarques à formuler quant à la justification du requérant et, le 2 mars 1992, le directeur de district maintient la proposition de mesure d'ordre.

  4. Saisis de cette proposition, les services généraux constatent «qu'outre les faits ayant motivé la proposition de mesure d'ordre, l'agent précité a commis d'autres manquements graves qui constituent des motifs de punition».

    Il est fait grief au requérant d'avoir, à plusieurs reprises, refusé catégoriquement d'effectuer les travaux qui lui étaient demandés et d'avoir utilisé plusieurs fois le téléphone de service et le fax pour des communications personnelles.

    L'autorité supérieure, après avoir rappelé que ces faits peuvent selon le règlement disciplinaire justifier une révocation, estime devoir faire preuve de clémence. Elle propose une suspension de fonctions de quatre mois avec menace de révocation et déplacement par mesure d'ordre. Elle demande au supérieur hiérarchique de compléter le formulaire en ce sens.

  5. Le supérieur hiérarchique du requérant fait suite à cette demande et établit, le 24 avril 1992, un nouveau formulaire P 255 qui "annule et remplace le P 255 du 18 février 1992".

  6. Le même jour, il propose d'attribuer au requérant le signalement insuffisant pour les motifs suivants : " Depuis pas mal de temps, M. AQUESBI Mohamed Rachid, ingénieur industriel, refuse tout ordre qui lui est donné. Il fuit systématiquement la moindre responsabilité qui lui est confiée (présence au comité de sécurité, rédaction de rapports ou analyse de systèmes et installations existantes). Après maints avertissements, M. AQUESBI ne mérite plus son signalement antérieur et la qualification "insuffisant" correspond avec sa conduite et manière actuelle de servir".

  7. Le 30 avril 1992, le requérant se justifie à propos de la sanction disciplinaire proposée.

    Il demande à être entendu par le conseil d'appel.

  8. Le 6 mai 1992, le supérieur hiérarchique du requérant estime que sa justification est incorrecte et "propose d'infliger la punition proposée". Le directeur de district fait de même le 7 mai 1992.

    VIII - 1541- 3/25

    10. Le 19 juin 1992, le requérant prend connaissance de la proposition de signalement "insuffisant", mais refuse de signer le document ad hoc.

    Le même jour, le directeur de district se dit d'accord avec la proposition.

  9. Le 31 août 1992, les services généraux transmettent le dossier disciplinaire au conseil d'appel.

  10. le 23 avril 1993, l'administrateur-directeur général attribue au requérant la mention "insuffisant".

    Le 9 septembre 1993, le requérant refuse de signer le document; ce refus est confirmé par deux témoins.

  11. En sa séance du 10 novembre 1992, le conseil d'appel émet l'avis suivant au sujet de la sanction disciplinaire proposée : " Vu les pièces du dossier

    Ouï : - le rapporteur et son exposé; - le prévenu dans ses moyens de défense qu'il a présentés lui-même; - Maître LEVERT Philippe - Avocat défenseur de l'agent en cause; - M. MALFAIT - ingénieur principal-Chef de division - représentant la Société;

    Après en avoir délibéré;

    Attendu que les faits repris ci-dessus sub 1 ne sont pas établis (7 voix contre 4);

    Attendu que les faits repris ci-dessus sub 2 et 3 sont établis (respectivement 9 voix contre 2 et à l'unanimité);

    Attendu que bien que le fait sub 1 n'a pas été retenu, la sanction proposée répond tant à la gravité des faits 2 et 3 retenus qu'à la fonction dirigeante de l'intéressé.

    Par ces motifs,

    Le Conseil se rallie à la proposition de la Société (6 voix contre 5) et propose d'infliger à l'intéressé la suspension de fonctions pour une durée de 4 mois avec déplacement par mesure d'ordre et menace de révocation".

  12. Le 13 novembre 1992, cet avis est transmis au comité de direction qui se rallie à l'avis du conseil d'appel et décide en conséquence d'infliger au requérant la peine de la suspension de fonctions pour une durée de quatre mois avec déplacement par mesure d'ordre et menace de révocation.

    VIII - 1541- 4/25

    Cette décision est annulée par l'arrêt n/ 47.012 du 25 avril 1994 pour les motifs suivants : " Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation des articles

    2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de la violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité, de l'erreur ou à tout le moins de l'ambiguïté dans les motifs de l'acte et de l'excès de pouvoir; qu'en une première branche, il souligne que l'acte attaqué n'indique pas les considérants de droit qui lui servent de fondement et ne définit pas les manquements reprochés au requérant; que, selon lui, il se borne simplement à considérer que les manquements sont établis et à énoncer la sanction; qu'en une seconde branche, il note que la décision attaquée n'établit pas à suffisance les manquements qui lui sont reprochés;

    Considérant que la partie adverse estime que la motivation de l'acte est suffisante; qu'elle explique que l'acte attaqué est motivé par référence à l'avis du conseil d'appel, ce qui n'est pas critiquable puisque cet avis a été communiqué au requérant en même temps que la décision du comité de direction; qu'elle ajoute qu'il n'est qu'un chaînon manquant dans la motivation : ni l'acte attaqué ni l'avis du conseil d'appel n'énoncent que les faits déclarés établis constituent des manquements à la discipline; qu'elle considère cependant que si l'autorité estime que certains des faits pour lesquels l'agent est poursuivi sont établis et qu'elle le sanctionne disciplinairement pour ces faits, c'est qu'elle pense qu'ils constituent des infractions disciplinaires;

    Considérant que la partie adverse note que la seconde branche du moyen concerne la motivation intrinsèque de l'acte et non la motivation formelle et qu'elle manque en fait puisque les autorités ont considéré comme établis les refus d'ordre et l'utilisation à des fins personnelles d'un téléphone et d'un fax de service;

    Considérant que l'acte attaqué ne mentionne ni sous forme de visa ni sous forme de considérant de droit les dispositions réglementaires dont il a été fait application; que, toutefois, le requérant a pu aisément déterminer la base juridique de l'acte attaqué puisqu'elle se déduit très clairement de celui-ci; que, d'ailleurs, dans le cadre de la procédure disciplinaire, le requérant a été informé des dispositions pertinentes en la matière;

    Considérant, en ce qui concerne les griefs retenus par le comité de direction à charge du requérant, que l'acte attaqué renvoie simplement au "motif retenu par le conseil d'appel" et que ce dernier déclare établis "les faits repris ci-dessus sub 2 et 3" (c'est-à-dire les refus d'ordre et l'utilisation à des fins personnelles d'un téléphone de service et d'un fax au préjudice de la société) mais non le fait repris sub 1 ("manquements divers dans l'exécution du service"); qu'aucune autre précision n'est apportée dans la décision attaquée; que, dès lors, le moyen est fondé;

    Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation des articles 101 à 103 et 111 du règlement disciplinaire de la S.N.C.B., de la violation des droits de la défense, de la violation des formes substantielles et de l'excès de pouvoir; qu'il soutient qu'il n'a pu connaître avec précision les griefs retenus contre lui, notamment en ce qui concerne les refus d'ordre : la convocation qui lui a été adressée ne...

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